Né Wasalu Muhammad Jaco à Chicago, l’auteur-compositeur-producteur-interprète Lupe FIASCO reste toujours fidèle à son image depuis le début de sa carrière dans les années 2000 : un artiste talentueux et discret, une pointure du rap conscient au style unique, activiste et professeur au MIT à ses heures perdues. Après plusieurs sorties marquantes, FIASCO ne s’essouffle pas et revient nous prouver une nouvelle fois sa maîtrise artistique avec Samurai, son neuvième album studio.

Comme un samouraï, Lupe va droit au but et ne se perd pas dans des fioritures inutiles. Cette nouvelle livraison est peut-être courte (8 titres, 30 minutes) mais elle n’en est pas moins riche et complexe : le hip-hop de FIASCO reste imprégné de ses influences jazz et électroniques. Le titre du disque n’est pas choisi au hasard mais son origine n’est certainement pas celle à laquelle on pense en premier lieu.

C’est l’anglaise Amy WINEHOUSE qui a inspiré ce nouveau projet alors que FIASCO regarde un documentaire sur la vie de la chanteuse défunte, en particulier une citation (I keep coming out with battle raps and they're just pouring out of me. Like Wu-Tang stuff, but really neat, very beautifully alliterated little battle raps. So next time you wanna come for me and have a battle rap-off, I'm gonna kill you. Because I’m a samurai).

Lupe imagine donc Amy dans le rôle principal de samouraï, une fan-fiction façon épopée où on se bat en musique et avec intelligence, entrelacée de beats à la fois modernes et old school. Sur le morceau éponyme, le single "Samurai", le rappeur reprend la citation de WINEHOUSE en chantant les refrains mélodieux (I got these really neat/Very beautiful alliterated/Little battle raps for you) sur une instru ultra-cool.

"Mumble Rap" prouve que FIASCO - 42 ans - n’a rien perdu de sa superbe : c’est qu’il se moquerait presque du mumble rap, ce micro-genre où les rappeurs marmonnent dans leur barbe. Le flow est rigoureux, on goûte au caviar du rap tel qu’on l’aime : réfléchi, perspicace et feel-good (Now everything’s a verse and everything’s a line/A lyrical, non-stop onslaught of rhymes/The hardcore roughneck bomb-drop divine), pas de doute, Lupe sait manier les mots aussi bien que le katana.

Lupe est un drôle de samouraï qui se bat contre les idées reçues à propos du succès sur le morceau très chill "Palaces" où il explore le côté sombre de la célébrité, pas toujours rose, nous rappelant l’humanité et la vulnérabilité qu’il y a en chacun de nous (We think we’re fortresses, made of stone/But we’re just palaces made out of flesh and bone). Il aborde aussi la solitude et le combat des artistes pour percer sur le superbe "Bigfoot" (Waiting on my break with no signatures on my cast).

FIASCO nous emmène aussi dans des ambiances d’anime comme sur le beat du titre "Outside" aux notes plus électroniques, où notre samouraï avance tranquillement de niveau en niveau avant d’atteindre le combat ultime sur le très jazzy "No. 1 Headband", un banger à la sauce old school. La cadence de Lupe est aussi pointue que son message sur "Til Eternity", accompagné d’un piano à la fois émotionnel et déterminé (You can’t harvest before the hardship). Les rimes, les métaphores et le rythme posées par le rappeur aux cheveux gris sur le single "Cake" l’emportent encore une fois, avec en plus un beat teinté d’un psychédélisme très sympa. On en redemande.

Finalement, le seul défaut que je trouve à Samurai c’est sa durée, vraiment trop courte à mon goût. Pour le reste, Lupe FIASCO est un artiste constant, un vétéran qui continue à faire le bonheur des amateurs de bon hip-hop, même après vingt ans de carrière. Comme il le démontre dans "Palaces" (I’m like my own masochist, slash my wrist with a poem), Samurai est plus qu’un album personnel, c’est une masterclasse.