Comme beaucoup, LOMEPAL subit la période Covid difficilement, alors il se retire et vit sa dépression loin des médias pour finir par revenir (le jour de mon anniversaire) avec son troisième album Mauvais Ordre à l’automne 2022. Son rap devient alternatif et poussé par le désordre puisqu’il continue de pousser la chansonnette, comme on l’a entendu - mais en mieux - sur Jeannine. Cette fois-ci, ce n’est plus vraiment son histoire qu’il raconte, mais celle d’un autre, en quête d’identité et d’amour. Juste après la sortie du disque, la rappeur part fin septembre pour une petite tournée surprise histoire de retrouver son public pour lui faire découvrir ce récit d’un amour à sens unique.

L’histoire débute par le titre éponyme "Mauvais Ordre" où le personnage est au fin fond de sa déception amoureuse à force de s’emmêler les pinceaux et de faire sa place dans la friendzone, alors il se détruit au rhum et chante aux sons des claviers et des guitares. Juste après, "50°", une expérimentation électrique décalée sur laquelle le rap d’Antoine sera peut-être le plus brutal de tout l’album et se mêle sans problème au violon (La voyante sursaute à chaque fois qu’elle retourne une de mes cartes/Juste une vie, pour apprendre à vivre, comment tu veux faire ?/J’sais même pas où je vais, je fais que suivre les feux verts).

Sur le tube "A peu près", on est dans le déni total : notre gars espère encore que sa copine va revenir; qui plus est, il est habité d’un doute certain qui représente bien le désordre mental décrit par LOMEPAL (J’suis à peu près sûr d’être à peu près quelqu’un de solide/Rien qu’une petite entaille) avant de faire référence à Death Note sur "Hasarder" avec son phrasé farouche et malin sur une instrumentation étincelante. L’un des meilleurs titres du projet, "Etna" revient aux violons et nous montre un personnage perdu et solitaire qui pète un boulon sur une pulsion (Dans un ordre comme dans l’autre, tu me fais, je te fais, et l’Univers s’équilibre/Regarde-moi, j’suis venu au monde avec des chaînes dans la tête, pourvu que je le quitte libre/Juste faire feu, juste pour voir ce que ça fait).

LOMEPAL introduit l’orgue dès le deuxième tiers du projet, sur "Le miel et le vinaigre", titre mélancolique sur une production planante, avant de parler de dépression sur le son naturel d’une boucle de guitare acoustique dans "Maladie moderne". Le single "Tee" voit notre protagoniste chercher à changer son destin puis on revient à l’orgue, encore, sur le beat r'n'b de "Prends ce que tu veux chez moi". Sur "Skit it", essentiel à l’album et au hiphop, notre personnage parle du sentiment de marginalité en comparant sa vie à The Truman Show (C’est un peu c’mec qui est à côté, qui sait pas en fait/Qui est pas là, dans l’vrai monde, tu vois ?). Les paroles sur l’addiction sont sombres sur le beat lumineux de "Crystal", puis la guitare se fait cinématographique à côté de l’orgue du single "Auburn".

"Decrescendo", certifié diamant en France, est exquis avec son piano convulsif qui apporte de l’agitation à cette dé-progression brute et intense. L’album se termine par le seul titre à peu près autobiographique, "Pour de faux",aux jolis accords, où il finit par parler de sa copine, l’actrice suisse Souheila Yacob, géante sur la pochette du CD.

Alors, oui, le chant est de meilleure qualité qu’avant, le rap est mélodique, la musique se fait de plus en plus pop et le storytelling torturé bien comme il faut. Pourtant, cette kro semble un peu tomber comme un cheveu sur la soupe après les récentes accusations d’agressions sexuelles contre le rappeur (bon, on en parle ici ou on se donne rendez-vous ailleurs ?) mais on va tenter de rester concentrer sur l’objet qui nous occupe : Mauvais Ordre est un album qui ne tourne pas autour du pot avec des productions de qualité qui ont permis à LOMEPAL de revenir sur une prise de risque réussie.