La publicité autour du nouvel album de KIMBEROSE est assez unanime. Suivant les convictions de la chanteuse comme quoi Roses se devait d'incarner la diversité de ses goûts et influences propres, on constate effectivement un partage bien marqué. Il y a aussi, après le deuxième album (Out, 2021, réussite en diable), le recours à une production plus moderne, émanant moins de 'vieux gardiens' qui assuraient pourtant le 'high level', le haut niveau de qualité mais heureusement, rien à redire de ce côté.

Toutefois, en dehors de l'idée simple de métissage si excitante à tous points de vue de nos jours (cocktails, mariage...), il est difficile de ressentir l'enthousiasme vivace de l'artiste, de la presse comme du public. Roses, dont la durée est celle d'une petite quarantaine de minutes, est un album hybride, avec d'un côté la pop-soul nouvelle génération et taillée pour le marché international, de l'autre la variété aux consonances orientales ou latines. Avec, pour l'une et l'autre, séparément, l'anglais puis le français respectivement comme langue porteuse. Et c'est quand l'anglais ne résonne plus que le bât blesse.

Entre son duo avec GRAND CORPS MALADE et de légers efforts personnels en ce sens ("L'envie de Valser", à la fin de l'album précédent), il était normal et tout à fait louable que KIMBEROSE développe son chant en français. Pourquoi le séparer si nettement de la pop-soul, style où la chanteuse est le plus à l'aise, elle seule peut y répondre, et l'intérêt persiste néanmoins. Cependant, le décalage est trop fort, même si l'on considère un texte à la fois intime et 'dans les clous' comme "Anita" où l'intéressée parle de sa maman, immigrée qui a toujours eu la danse pour passion/vocation. Les cuivres funky – omniprésents sur Roses – se fondent bien dans le rythme chaloupé, c'est sympathique mais aussi un peu trop propre, formaté.

Même impression à l'écoute de "Je T'aime Beaucoup" avec ses cuivres encore ainsi que l'orgue Hammond couplé à l'utilisation du même instrument dans son style plutôt 'de Barbarie' pour le sample du début. KIMBEROSE s'illustre avec beaucoup de sensualité sur les ballades "Du Rose ou Rien" et "Fleur de Peau" (qui n'est pas sans faire penser à Alicia KEYS), mais l'ensemble ne convainc guère plus que cela. Idem pour "Le Coeur en Cavale" et ses grands airs tango-méditerranéens rehaussés de cordes. Dommage car si on souhaite à la chanteuse une carrière qui dépasse largement les frontières de l'Hexagone, on espère qu'avec le temps, ce soit également par de meilleures chansons-étendards.

D'autant plus dommage que l'autre facette est pleinement excitante, à la hauteur question qualité. Comme l'album est assez 'love' sous toutes les coutures, ce sont celles de la soutane ou du costume de pasteur qui ressortent sur "You Made Me Pray". KIMBEROSE, inspirée par la religiosité de sa mère et de sa tante, rêve qu'elle craque pour le col blanc qui prêche sa bonne parole pour Dieu et elle se confesse à nous avec ses désirs tout en détournant l'animal du droit chemin. Cela commence par une forme de ballade disco pour alterner avec un gros thème de basse doublée à la basse-synthé plutôt sexy. À la fois rose et lustré, le tout se révèle entraînant, et on se dit que notre chanteuse mérite fort que son nom rejoigne celui des DUA LIPA & co à leur niveau de popularité.

Mis à part le triste et lent "Bird of Prey", on reste en terrain pop exaltée à l'image de cette "(Where Are) the Good Days?" plus épique que la précédente, brillante de cuivres, de basse et de guitare, qui se finit par un rhythm'n'blues dense. Entre la pop-funk très chouette de "Up and Down" aux claviers ondulants et les ballades, "Out of Love" planante et hantée où un sax souligne bien le chant ainsi que "Miss You" tout en délicatesse et caractère avec son orgue d'église, ses sons évanescents, KIMBEROSE fait preuve de sensualité, de maîtrise totale et nous enchante. "I'm on a Roll", r'n'b ternaire lent où la guitare (double) s'élève à merveille, n'est pas si loin en force du "Dangerous Woman" d'Ariana GRANDE, à bon entendeur/euse. Voilà donc un disque très convaincant, jusqu'à un certain point, courageux en tout cas mais pas autant mémorable qu'il l'aurait dû.