Encore un groupe underground à réhabiliter, encore un groupe qui cassait les règles. Découvert plus tard quand je suivais toute cette scène noise rock 90’s. Durant les années 80, j’avoue que je ne connaissais que BIG BLACK dans ce style abrasif, BIG BLACK que l’on classait alors dans le punk hardcore où je plongeais avec ardeur parallèllement au thrash métal. Et justement, une vidéo m’avait interpellé, où l’on voyait le sieur Steve Albini, leader du 'gros noir', arborant un tee-shirt de DIE KREUSEN.
Quand nos idoles arboraient des symboles vestimentaires de groupes méconnus, on recherchait évidemment des infos sur ces derniers. Ainsi, des fous furieux des scènes extrémistes comme NAPALM DEATH, VOIVOD, NIRVANA (du moins à leurs débuts), SOUNDGARDEN et MINUTEMEN s’en réclamaient-ils.

Sur le premier album, ce qui nous interpellait, c’était un furieux jeu de basse, des riffs heavy rock rencontrant du punk hardcore, des vocaux éraillés, plus globalement des compositions lorgnant fortement sur l’œuvre fondamentale des DEAD KENNEDYS, l’alpha et l’omega du courant dit hardcore.
Sur October File, on sent que le groupe invente à lui seul les futures scènes Post-hardcore et grunge, la tournure prenant des aspects plus sombres et moins rentre-dedans que le premier L.P. A l’instar de BULLET LAVOLTA ou des WIPERS, sans parler d’HUSKER DU, la prise de risque est revendiquée pour s’éloigner des dogmes du 'rock extrème punk'. Ce disque serait ainsi le chaînon manquant entre les productions 'métal seventies punk' du label SST (GONE, HUSKER DU, SAINT VITUS, BLACK FLAG…) et l’école noise rock à la Touch and go dans le sillage de maître Albini. Moins speed, plus élaboré, l’album surprend donc les 'rasés' fanatiques de hardcore 'old school' à la MINOR THREAT. Et ces missiles ont été écrits un peu après la sortie du premier L.P. On y ressent aussi l’influence des MEAT PUPPETS, cet aspect à la fois désespéré et braillard qu’un jeune Kurt Cobain va intégrer dans ses futures chansons.
Dès "Man In the Trees", l’ambiance se situerait sur l’échelle de Richter entre le postpunk carnassier axé PLAYDEAD/KILLING JOKE se crashant avec les DEAD KENNEDYS. L’influence du gang à BIAFRA se retrouve sur "Uncrolled Passion". "It’s Been So Long" prend des tournures 'métalliques déviantes', quelque part entre NO MEANS NO et GOD BULLIES. "Imagine a Light" renoue avec la rapidité du hardcore, mais est vite marqué par un retentissant passage 'heavy métal', de même que "Hear and Fell".
Le côté proto–grunge s’éclaire sur "Cool Breeze", sorte de balade déglinguée s’accélérant dangereusement. "Counting Cracks" et "Hide and Seek" parviennent à faire cohabiter les fans de métal et ceux de la cold wave, ainsi que "Red to Green" intégrant des plans liés au noise rock. La lourde balade de "There’s a Place » fait écho aux travaux costauds de BLACK FLAG sur leur référentiel "My War". Quant à "Among the Ruins", on flaire une référence, du moins au début du titre, au psychédélisme sixties.

Les morceaux, finalement assez moyens malgré des références iconoclastes pour l'époque et emballantes sur le papier, qui nous surprennent le plus restent "Conditionned" pour la violence récurrente des riffs et "Melt" pour un côté 'bigblackien'.
On préfère, et de loin, les vocaux cinglants de Dan kubinski du premier disque. Ici, ils flirtent trop vers ceux des hurleurs de la 'new wave of heavy metal' et passent difficilement l’épreuve du temps. De plus, la production est plutôt faiblarde.
Paradoxalement, le disque paraît à la fois novateur et vieillot.