Il s’agit du sixième opus du natif de Greenville, Caroline du Sud, et comme à l’accoutumée la couverture est d’une simplicité qui force la modestie. Nous savons depuis ses débuts de carrière que Marcus n’est pas du genre à prendre la lumière, que son mindset est plutôt orienté vers la noirceur... après des débuts sur son MARCUS KING BAND en forme de rock sudiste mâtiné de blues et parfois de jazz comme pour son maître à penser Warren HAYNES, qui le tient en haute estime. L’évolution de l’artiste lui appartient comme il se doit, et il semble qu’il faille s’attendre à une vibration très sixties cool plus que réellement blues pour ce nouvel opus.

L’éponyme "Mood Swings" reprend tous les trademarks habituels du roi Marcus, cette voix si particulière et ces ambiances qui doivent autant au blues qu’à toutes les autres formes de musique black. Et sa voix toujours aussi originale de retentir avec la même justesse. On sent comme un retour aux sources des grands de la Motown avec un titre comme "Save Me", il y a du Otis REDDING ou du Wilson PICKETT dans cette forme de musique plus soul que réellement bluesy, nonobstant les interventions scintillantes du jeune homme. Chaque vidéo est en revanche une preuve de la difficulté de l’artiste a se plier à certaines obligations ainsi qu’un manque certain de confiance en soi. "Hero" est dans cette même veine avec un Hammond très black aux commandes. Puis il y a presque du Al GREENE dans sa voix sur la tressautante "Inglewood".

La fusion aujourd’hui mise en place par Marcus KING s’éloigne drastiquement du southern rock bluesy pratiqué à ses débuts, voyez donc ce que cela donne sur "This Far Gone". "Bipolar Love" me remet carrément en tête certaines compositions de Keziah JONES, d’autant que les percus s’y mettent et que l’artiste joue le rôle de la carte black à fond. On déménage un peu plus sur "Me Or Tennessenale", même si les intonations black restent de mise, on est presque en pleine séance liturgique et il ne reste plus qu’un bon évangéliste pour éclairer notre voie ! Marcus s’époumone à montrer sa "Cadillac", celle qui va le conduire à son destin, une profession de foi pour qu’on le laisse mourir tranquille après un accident. C’est à nouveau très noirâtre. Enfin, "Delilah" n’est pas la reprise de Tom JONES, mais Marcus se débrouille bien sur ce titre original. Et voyez donc ce solo en forme de syntaxe, pour un joueur catalogué blues voilà qui a de la gueule.

Je retiens au final deux petites compositions de cet album : la belle orchestration de "Fuck My Life Up" nous plonge dans un abîme de contemplation des existences, il y a beaucoup de DEPECHE MODE dans cette composition, oui oui, ne riez pas, souvenez-vous plutôt de l’époque Songs Of Mass Devotion. Marcus n’a rien d’une créature axée positif et bonheur de l’âme… Chez lui tout est remise en question et solennité de l’instant avec une vocation pour le contemplatif de l’after life, en espérant qu’il y en ait un. Et puis la petite guitare raw et une ambiance tremblotante nous envoient vers la fabuleuse "Soul It Screams", avec son refrain sublime. Ce titre évoque une clarté sur le point de s’éteindre, comme un espoir proche du néant mais qui continue toujours de donner sa petite lumière. Probablement le moment intense de cette livraison.

On va pas se mentir, la musique est toujours agréable mais nous nous sommes désormais pas mal éloignés des préoccupations blues de Marcus KING ces derniers temps. Je retiens les deux titres sus notés dont je vous encourage vivement l’écoute. Pour le reste, il s’agit d’une ambiance tamla motown ou chess ou stax, avec un artiste qui ne criait nullement d’émuler les grands noms du genre. Je reste donc sur un trois seulement moyen car j’aurai volontiers entendu plus de blues.