Entendons-nous bien, rien que la photo de l'album suffit à lui donner une bonne note nonobstant ce que nous pouvons trouver à l'intérieur. Quelle beauté cette jeune femme tout de même ! Une impression de fragilité, ce métissage fabuleux, ah c'est beau ! Tout ça pour introduire comme il se doit ce quatrième album, et alors que l'artiste n'a jamais connu la moindre baisse de régime depuis son premier opus, 8 ans plus tôt. SADE choisit de produire elle-même cet opus. L'artiste est en tout cas d'une étonnante discrétion alors que son personnage public pousse à la surenchère de questions sur sa vie privée.

Tout débute avec "No Ordinary Love" que j'aime à considérer comme le titre le plus abouti de la carrière de SADE. On y retrouve l'habituelle ambiance satinée de soul et de groove très eighties, le chant velouté de Folasade, son aptitude à nous émouvoir. Quel smooth, quelle sensualité ! La voilà déguisée en Sirène dans la vidéo, magnifique ! Une guitare sortie de nulle part propose une rythmique en forme très métallisée, quelque chose de quasiment incongru vu le style pratiqué par le groupe. Pourtant, l'association se révèle judicieuse et Stuart Matthewman a ici la meilleure idée de sa vie ! Une merveille ! Ce titre qui n'atteint pourtant pas les sommets des tops se contente d'une modeste 28ème place aux US.

"Feel The Pain", à la video sépia, est un rythme plus classique dans sa conception. Un aspect tribal certes, mais aussi un certain manque d'inspiration au profit d'une percussivité de tous les instants. Plus laidback, "Kiss of Life" se veut un retour aux ambiances plus soul des premiers albums. On est toutefois moins smooth, même si la voix de la chanteuse reste invariablement superbe. Beaucoup de douceur certes, mais qui se ne saurait s'aligner sur les classiques de SADE. Le single suivant "Cherrish The Day" la voit poser avec une rutilante Gibson Les paul comme sur la troublante vidéo d'ailleurs qui la voit en compagnie du Chrysler building, il fallait ça pour s'aligner. Vaporeuse et ouatée, cette composition presque new-age, plus moderne qu'à l'accoutumée, est très réussie. Aucun de ses singles n'intègre le top 50, mais tous ont une honorable carrière dans les charts annexes, R'n'B ou Soul.

Passé les singles, il nous reste "I Couldn’t Love You More", très funky soul dans l'esprit, à nouveau très onirique et ambient. Toujours dans cette même veine, "Bullet Proof Soul" est certes secondaire mais toujours de bon aloi. Une guitare hispanisante drive l'envoûtante "Like A Tatoo". L'instrumental "Mermaid" est la parfaite conclusion de l'opus qui contient "No Ordinary Love". Il est très joli, très vivifiant, malgré une coda ambient, le piano lui donne une vibration plus organique.

"Pearls" narre une nouvelle tranche de vie féminine et cet instant très ambient est d'une esthétique absolue. On sent à quel point la jeune femme se sent proche du thème abordée dans cette chanson, une de ses plus intimes. L'histoire de cette femme en Somalie doit interpeller tout un chacun, surtout en cette année 92. Et cette manière de hurler "Hallellujah" en guise de supplique vers le divin, comme s'il ne restait plus aucune autre alternative, une des plus belles chansons de SADE.

Rolling Stones positionne cet album à la 247ème place des 500 plus grands albums de l'histoire. La présence conjointe de "No Ordinary Love" ainsi que de "Pearls" donne à cet ensemble très équilibré une consistance qui pousse la note vers un quatre évident. Au bout de dix années de carrière, les résultats ne baissent pas pour SADE qui continue de s'imposer comme le groupe leader de la soul mondiale. Helen Folasade Adu, elle, ne lasse pas d'émerveiller les foules par sa classe et la langoureuse volupté de sa gracile silhouette, plus sensuelle que jamais, comme sa voix aujourd'hui classique.