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2017 2 All Bitches Die
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 Lingua Ignota Bandcamp (26)

LINGUA IGNOTA - All Bitches Die (2017)
Par STREETCLEANER le 13 Janvier 2025          Consultée 452 fois

On ne compte plus les artistes pour lesquels la musique est une catharsis, une thérapie, voire un exorcisme nécessaire. On se demande d’ailleurs si, finalement, ce n’est pas le cas de la plupart des artistes, qui sont des êtres plus sensibles que la moyenne, et pour qui l’art est un exutoire à toutes les souffrances accumulées ; c’est par exemple le cas bien connu de Jonathan DAVIS de KORN. Ou dans le cas présent de l’Américaine Kristin Hayter (aka LINGUA IGNOTA, qui signifie en latin "langage inconnu" – ou "non construit", et dont l’origine remonte à la compositrice médiévale, religieuse et mystique (Sainte) Hildegarde Von BINGEN, une influence majeure revendiquée de Kristin Hayter). Cela va même un peu plus loin quand, dans une interview, elle se voit comme un dieu parlant et se mouvant directement à travers un corps, dans une forme de possession.

Hayter dit avoir un rapport complexe à la religion, elle s’est soulevée contre son enfance catholique, a été clairement athée (et le reste encore), mais son univers sonore est très influencé par la musique liturgique, les travaux de HAENDEL, BYRD et Von BINGEN. Cette musique, qui s’adresse à Dieu, et le concept de religion sont toujours présents car ils servent ses objectifs dans son travail : le Dieu vengeur, le Dieu clément, elle qui a parfois taggué sa musique sous le mot de Retribution (châtiment).

Son autre facette, autre que religieuse, est le féminisme : tout ce qu’elle fait, dit-elle, est influencé [en réaction] par la misogynie, la domination masculine (elle a été victime de graves violences conjugales) ou les modèles patriarcaux. Aussi, continue-t-elle, elle travaille beaucoup sur des palettes de sons et d’imageries inspirées par les idéologies entourant la musique extrême (comme le black metal - elle adore au passage la voix d’Attila Cishar de MAYHEM). Les références de Hayter sont aussi extrêmes, c’est par exemple la voix et l’image de Aileen Wuornos - dans le titre final "Holy Is The Name (Of My Ruthless Axe)" notamment, une tueuse en série, victime de viols par de multiples hommes durant son enfance, dont son propre frère, et qui reviennent régulièrement dans son travail, pas pour faire peur dit-elle car nombre de groupes ont déjà samplés des tueurs en série, mais pour que les gens entendent ce qu’elle, Wuornos, a à dire. Cette imagerie controversée n’a d’autre but que de servir les survivants d’actes de maltraitance et de violence : c’est son paradigme à elle, recontextualiser des images extrêmes. Ceci n’a donc pas grand-chose à voir avec le féminisme tel qu’on l’entend habituellement.

L’accueil de ce second album lancé sur son Bandcamp, et pour lequel elle n’envisageait encore que des ventes confidentielles, va aller bien au-delà de ses espérances et va lui permettre de partir en tournée. Il sera ensuite réédité par un label, Profound Lore Records, qui lui ajoutera un titre "God Gave Me No Name (Nothing Can Hide From My Flame)" ; c’est la raison pour laquelle il existe ces deux versions avec deux mêmes photos de Hayter, la seconde étant en noir et blanc.

Hayter qualifie ces chansons de ballades meurtrières (muder ballads), ce qui nous renvoie à l’album bien connu du même nom de Nick CAVE & THE BAD SEEDS, une influence de la chanteuse parmi d’autres, liées au monde de l’Indus (NINE INCH NAILS, EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN, MERZBOW…)

Il est assez complexe de définir la musique de Hayter. On y retrouve bien sûr les qualités de chanteuse et musicienne de par sa formation académique, ses inspirations religieuses, ses penchants aussi pour la musique extrême, dont le black metal, et celles bruitistes des univers Indus, sans oublier la noise et l’électronique.

Le ‘wall of noise’ qui résulte de ces influences et du caractère rageur de Hayter nous terrasse dès les premiers instants de "Woe To All (On The Day of My Wrath)", résultat de déflagrations industrielles sous distorsions sans concession et de hurlements déments qui appartiennent clairement au registre du black metal le plus extrême. "Go and hide yourselves" hurle-t-elle, et c’est probablement ce que feront la plupart des auditeurs qui se seront imprudemment lancés dans cette écoute ; "Who among you will be able to stand?" poursuit-elle, et là encore on pense à l’auditeur qui aura sitôt fait de battre en retraite. Bien entendu, les paroles s’éclairent à la lumière des traumatismes subis par Hayter ; puis, lorsque la musique profane laisse place à la musique religieuse, elle entonne "Oh, master, master, please be kind / Dont’ leave me somewhere God won’t find". S’ensuit un moment de toute beauté, où le chant de Hayter est porté par le piano et une réverbération typique d’un vieux cloître : "I bring the end / I bring the end to all things…".

Si le premier titre était parsemé de cloches ajoutant une touche pastorale, le second titre, loin d’être anecdotique, relève pleinement de l’élévation dans sa musique ; "God Gave Me No Name", ajoute en effet la présence de l’orgue, ce qui est une symbolique puissante puisque cet instrument, qui s’élève vers le ciel, est souvent associé à la représentation de Dieu au sein de l’église ou de la cathédrale. Mais si la musique élève, les paroles expriment, elles, une colère sans nom : " God told me shoot to kill / No bullet stings like mine will".

Dans "All Bitches Die (Bitches All Die Here)", au background musical métallique, mystique et crépusculaire, nous entrapercevons les souffrances endurées par Hayter : "I fell down on my bended knee / Begged mercy for my life / Please, my dear, don't kill me here / I'm unprepared to die / I never spoke another word / He dragged me around and round / He beat me till my teeth were scattered / Like pearls across the red, red ground / The final words I ever heard / They shook the burning sky / "Bitches get what's coming to you" / "All bitches die"".

Mais nul doute que le titre le plus colérique est le suivant "For I Am The Light (And Mine Is The Only Way)". La chanson, qui s’entrouvre sur des paroles de Wuornos "To me, this world is nothing but evil / And all of us are full of evil in one way or another / In whatever we do / We have evil in us, all of us too", est un entremêlement de fureur black metal dans ses hurlements et de musique céleste noyée dans la noise ; c’est l’élévation et la puissance chaotique réunies, le mariage du Paradis et de l’Enfer, de la souffrance et de la vengeance. C’est certainement le titre le plus emblématique sur cet album de l’exutoire de Hayter auquel nous assistons : " And I repay evil with evil ", dans lequel elle rendra coup pour coup, le titre finissant dans un déluge eschatologique de flammes.

"All my rapists lay beside me / All my rapists cold and grey" seront les dernières paroles de l’album ; c’est leur châtiment, leur rétribution, la vengeance des survivants, l’album s’estompant alors lentement sur une vision de champ de cadavres dans cette dernière ballade meurtrière.

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- Kristin Hayter


1. Woe To All (on The Day Of My Wrath)
2. God Gave Me No Name (nothing Can Hide From My Flam
3. All Bitches Die (bitches All Die Here)
4. For I Am The Light (and Mine Is The Only Way)
5. Holy Is The Name (of My Ruthless Axe)



             



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