Les années 80 ont si mauvaise réputation sur le plan musical que ceci en demeure encore objectivement un mystère quasi total. Il suffit pourtant de quitter quelques instants le top des charts pour se rendre compte simplement de leur richesse et de leur diversité. Tenez, prenez au hasard le Royaume-Uni. Il nous a offert durant cette décennie honnie de grands projets exigeants et fédérateurs (à vous de compléter) et d'autres nettement plus confidentiels mais tout aussi pertinents. Le quatuor écossais qui nous intéresse ici fait indubitablement partie de cette dernière catégorie. Comme je l'avais mentionné il y a déjà près de six ans à travers l'évocation de Diminuendo, LOWLIFE dans la sphère des musiques sombres est un groupe culte. Permanent Sleep a participé activement à l'élaboration de ce statut.

Il faut dire que dès ses débuts en 1985, le projet de Grangemouth avait de solides arguments à faire valoir. Le bassiste Will Heggie,, qui n'est ni plus ni moins que l'un des membres fondateurs de COCTEAU TWINS et Craig Lorenston, le chanteur à la voix de sombre crooner ont donné d'emblée à LOWLIFE un caractère en effet si particulier. Je serai peut-être un peu excessif si je vous disais que le quatuor a révolutionné le monde de la musique, mais je crois aussi que son parcours, sa modestie sincère l'ont rendu terriblement attachant. S'ils ne sont pas d'une originalité absolument renversante, il n'en demeure pas moins que les Écossais grâce à leurs compositions qui se situent à la croisée des chemins, du post-punk et de l'éther, ne sont pas pour autant insignifiants.

Comme tout premier album, certains éléments sont naturellement perfectibles, à l'image de ce léger sentiment de redondance. Pour le reste, les pierres posées seront celles de l'identité LOWLIFE. A savoir, l'alternance de morceaux aux guitares incisives et de titres moins abrasifs, aux contours plus arrondis. Dès l'introductif "Coward's Way", le ton est donné. L'auditeur est hypnotisé par le timbre profond de son leader et cette basse lancinante. Celle-ci serpente, parfois inquiétante, parfois pesante ("As It Happens"). Si sa place n'est pas négligeable, elle n'étouffe pas pour autant l'ensemble. En effet, Heggie sait aussi la rendre légère, comme le souligne le superbe et classique "Wild Swan". Aidé par une guitare aux arpèges suspendus et un Lorenston en grande forme, ce titre montre tout le potentiel des Écossais. C'est un instantané.

Permanent Sleep contient même un autre classique de la sphère post-punk en la présence de l'instrumental anxiogène "The Betting & Gaming Act 1964". Cette très belle pièce que n'aurait sans doute pas reniée le COCTEAU TWINS de 1982 nous plonge dans une mer agitée et secouée par une guitare grinçante à souhait. Les Écossais, post-punk oblige, ne complexifient pas artificiellement leurs compositions. Comme avec le sombre "Mother Tongue", le dépouillement au-delà d'un jeu de guitare inquiétant est et sera la boussole de LOWLIFE. Il alterne gris clair et bleu froid de manière assez convaincante. Le groupe grâce à cet éventail même restreint permet ainsi à l'auditeur de reprendre son souffle. Le quatuor que ce soit avec le morceau-titre ou "Do We Party" flirtent en effet en ces instants avec une Pop froide irriguée par une douce mélancolie.

Permanent Sleep, s'il n'est pas exempt de quelques défauts, mais quoi de plus normal pour un premier essai, nous fait découvrir un univers post-punk fait d'ombres et de lumière, à la fois rêche et délicat. Il démontre encore une fois la richesse de cette décennie pourtant si mal aimée.