A observer les THUNDERMOTHER s'éclater chaque soir durant 45 minutes en ouverture des concerts de SCORPIONS, il semble rétrospectivement bien difficile d'imaginer alors qu'il y avait de l'eau dans le gaz entre la guitariste Filippa Nässil, leader de la formation suédoise, et la sympathique chanteuse Guernica Mancini qui, depuis 2017 et deux albums, s'efforçait de hisser bien haut la bannière d'un groupe désireux de rendre hommage au hard-rock des années 80, à la fois largement blues dans l'inspiration et résolument contemporain dans l'interprétation. Finalement, Guernica Mancini, renvoyée à la porte, embarque avec elle ses camarades Emlee Johansson (basse) et Mona 'DeMona' Lindgren (basse), dégoûtées par le traitement injuste réservé à la chanteuse. Ensemble, les trois musiciennes s'en iront former le groupe The GEMS, auteur d'un album publié en 2024.

De son côté, Filippa Nässil ne tarde pas à remonter un line-up et à s'élancer dans de nouveaux projets : en compagnie de la bassiste Majsan Lindberg (qui retrouve son poste après quelques années d'absence), de Joan Massing (batterie) et de la chanteuse Linnea Vikström Egg (THERION), THUNDERMOTHER réalise en 2023 une nouvelle tournée, en Europe cette-fois ci, en compagnie de SCORPIONS, et se lance dans l'élaboration de son septième album studio. Porté par un enthousiasme renouvelé, les musiciennes décident d'enregistrer live en studio, pour capitaliser sur cette énergie rock'n'roll. Et si la sympathie naturelle que nous pouvions porter pour Guernica Mancini aurait tendance à nous donner un a priori négatif quant à cette nouvelle sortie des Suédoises, il faut bien reconnaître que le groupe nous propose ici un album parfait qui s'impose naturellement et rapidement comme son meilleur.

Porté par la puissance blues du morceau d'ouverture, l'imparable "So Close", Dirty & Divine est fortement marqué par l'expérience américaine des THUNDERMOTHER. L'influence SCORPIONS est ici plus présente que par le passé et supplante ici les saveurs AC/DC des réalisations précédentes. Il ne fait aucun doute que, durant son périple au pays de l'Oncle Sam, Filippa Nässil a poncé ces classiques du hard-rock que sont Blackout ou Love At First Sting, et c'est une saveur similaire qui de dégage de ce nouvel album des Suédoises.
Enregistré à l'ancienne dans un studio de Copenhague et produit par le fidèle Soren Andersen, l'album a été rapidement mis en boîte, le groupe enregistrant 8 morceaux en l'espace de quatre jours. Le chant, pour sa part, a bénéficié de l'expertise du talentueux Chris Laney (PRETTY MAIDS), et a été enregistré au domicile de Linnea Vikström Egg. La voix de la chanteuse dégage une intransigeante puissance particulièrement savoureuse, et si elle ne dispose pas des mêmes capacités techniques que Guernica Mancini, elle compense par une prestation brute et flamboyante et une richesse mélodique qui fait mouche instantanément.

Règne sur l'album une légèreté qui évoque l'insouciance des années 80. Tant dans le riff qui l'introduit que dans son ambiance générale, le morceau "Feeling Allright" évoque par exemple "Arizona" des SCORPIONS, et l'influence de Rudolf Schenker éclabousse ce titre marquant. La force de THUNDERMOTHER sur cet album réside dans sa capacité à proposer des titres rapides et agressifs qui marquent les esprits : "Take the Power", furieux, rappelle les regrettées camarades de CRUCIFIED BARBARA. Un coup de poing que l'on accueille en majesté sur nos faces ravies. Dans une veine similaire, "American Adrenaline" clôture l'album avec cette délectable sauvagerie, à la fois agressive et groovy, qui donne à la musique de THUNDERMOTHER une dimension inédite. Inspiré par le périple américain du groupe, ce morceau s'inscrit dans la lignée des standards du hard-rock qui vantent le mode de vie américain et glorifient les semaines passées sur les routes, d'une côte à l'autre.

La force du groupe réside également dans ces mid-tempos foisonnant d'idées et de mélodies accrocheuses. "I Left My License In The Future", avec son refrain entraînant, est ce qui se rapproche le plus d'un tube en ces temps peu favorables pour le hard rock dit 'classique'. Suivant un schéma similaire mais tout autant inspiré, "Bright Eyes" se fait plus fédérateur encore, porté par un riff décontracté. "Can You Feel It" voit la formation réaffirmer son amour pour les gros amplis et AC/DC, tandis que "Speaking of the Devil", avec son refrain aérien et percutant complète un brillant tableau.

Galvanisée par son séjour américain, Filippa Nässil, entourée par un line-up renouvelé, nous propose ici une remarquable collection de morceaux hard-rock largement inspirés par les années 80, dont les mélodies fortes semblent portées par un naturel et une évidence qui nous replongent avec nostalgie dans cette époque bénie du hard-rock. Loin d'être passéiste, l'album propose néanmoins un gros son et une énergie de chaque instant qui en font la réalisation la plus percutante de THUNDERMOTHER à ce jour, et un album homogène dans sa diversité, qui résiste et continue de se révéler à la multiplication des écoutes. Un coup de maître de la part de la formation suédoise !

4,5/5