Il faut du temps et un peu de bonne volonté pour s’attaquer à la découverte de la chanteuse Ethel CAIN et de son album Perverts sorti début 2025. Et oui, le titre le plus court fait presque sept minutes et le plus long en fait quinze, donc il faut bel et bien prendre son temps pour ressentir toutes les nuances de cette musique électro-indus-ambient complètement expérimentale.

Ethel CAIN, de son vrai nom Hayden Silas Anhedönia, émerge depuis quelques années comme l’une des artistes les plus intrigantes de notre époque, après avoir connu le succès avec son premier album, Preacher’s Daughter. Son père fait le diacre à l’église du coin en Floride et Ethel passe une enfance marquée par la religion et la musique. Aussi passionnée qu’impliquée, Ethel fait tout sur ce nouvel opus, de l’écriture à la production en passant par les instruments. Alors, c’est sans surprise que l’ambiance générale ressemble à une véritable expérience. Dramatique, stressant et souvent morose, Perverts n’est pas un album facile, mais il est différent.

On plonge dans le dur dès la première piste, la chanson titre "Perverts", douze minutes durant lesquelles CAIN chante non seulement le choral chrétien "Nearer, My God, To Thee" mais nous entraîne aussi dans un monde aux sons de violons déformés où elle répète Heaven has forsaken the masturbator. L’ambiance est lourde et lente, puis elle le reste tout autant dans le très beau single "Punish". Un bruit de balançoire bien creepy auquel on finit par s’habituer et on plane pendant quelques minutes, portés par le piano, avant d’entamer un sublime crescendo de guitare électrique - une sorte de décadence sonore à écouter dans le noir.

L’atmosphère de "Housofpsychoticwomn" reste intense, sombre et pesante, titre inspiré du Mémoire de la cinéaste canadienne Kier-La Janisse. Ici, Ethel CAIN nous entraîne dans un univers sonore plus que troublant : dans une attente constante, la boule au ventre grossit au son des textures oppressantes et dérangeantes.

CAIN reste dans une sorte d’ambiance lo-fi avec la basse et le piano dark de "Onanist", mais aussi sur le morceau "Pulldrone" où elle soulève des questions sans musique (Are these laurels to be proud of?/Let me tell you how much I’ve come to hate you since I began to live), avant de nous foutre les chocottes avec son violon désarticulé.

Le piano et la guitare acoustique portent le superbe titre "Etienne" et quant à "Thatorchia", c’est encore une fois un moment puissant, presque gothique, qui se joue dans nos oreilles. Pas de chant, ni de texte mais une cinématographie à son summum, alors on s’approche un peu d’une bande son de film d’horreur.

Dans "Vacillator", la batterie va au ralenti et s’efface presque sous l’effet de la voix de CAIN, d’une douceur terrible. Ce n’en est pas moins flippant, mais les mélodies sont belles, quasiment frémissantes. On retrouve tout le côté éthéré de la musique d’Ethel sur le magnifique titre final, "Amber Waves", où l’instrumentation faite de piano et de guitare se mêle aux multiples expérimentations électroniques.

Perverts n’est pas une totale réussite selon moi, mais c’est un très bon album. Bien sûr, la musique d’Ethel CAIN est incroyablement touchante et avant-gardiste, mais justement, il manquait parfois un peu trop l’aspect musique sur certains titres où les bruits et ce silence dérangeant prenaient davantage la main sur les instruments. Pour le reste, c’est sublime : plus qu’un album de musique, c’est un morceau d’art - un espace où l’ordre établi et les artifices n’ont pas leur place, un endroit dans la marge.