Franchement si on m’avait dit que j’allais sortir faire des courses, mes écouteurs dans les oreilles, pour me prendre une énorme claque au rayon Coca… j’y serai allée en courant ! Ca c’est le truc cool avec Spotify qui propose des titres similaires aux sons de nos propres playlists et c’est exactement ce qui m’est arrivé en découvrant la musique de SOAP & SKIN avec le titre "Me And The Devil".

Quelques recherches plus tard, je découvre que cette chanson est sortie sur l’EP Sugarbread de l’artiste autrichienne Anja Plaschg de son vrai nom en 2013 - j’avais 9 ans - alors que le son aurait franchement pu être écrit hier… mais non, en fait il date de 1938 - pas besoin de préciser que je n’étais pas née… et vous non plus ! - par l’américain Robert JOHNSON dans une version blues qu’il faut aller écouter. Je vous conseille aussi absolument de lire la chronique de Suntory Time sur l’album Narrow de la chanteuse pour comprendre son univers musical rempli d’émotion.

Suntory Time a raison, ce qui est un peu frustrant, c’est la (beaucoup) trop courte durée des morceaux, comme si la chanteuse nous teasait pour nous rappeler que les bonnes choses ne durent jamais assez longtemps, surtout pour le magistral "Me And The Devil". Pour y remédier, vous pouvez faire comme moi et l’écouter en boucle ou alors gratter 31 secondes supplémentaires en écoutant la version slowed + reverb. Quésaco me direz-vous ? Une tendance qui s’est affirmée ces dernières années sur Youtube avec de nouvelles versions de chansons transformées. Le traitement est tout simple : tempo ralenti et effets de voix, qui confèrent aux titres une profondeur sombre et dramatique avec une atmosphère chill, lunatique et complètement frappée qui invite au rêve et à la réflexion. Une ineptie diront les puristes ! C’est vrai que la technique n’est pas 100% garantie mais même s’il lui arrive de ruiner certaines chansons, d’autres en sont renforcées ou parfois même améliorées. Le pari est peut-être osé mais s’il permet de donner grâce à certains morceaux oubliés aux yeux des Gen Z, pourquoi pas ?

Bon, je vous rassure, aucunement besoin d’une telle parade pour "Me And The Devil" car Anja est une vraie musicienne et possède déjà toute la force pour mettre en lumière la quintessence de ces paroles quasi-centenaires. Je ne vais rien vous apprendre sur la méthode de SOAP & SKIN, il suffit d’ouvrir les oreilles : sa voix magique, grave et teintée des émotions les plus pures s’accorde à merveille avec un orchestre tout simplement céleste et des violons suprêmes… un bon combo pour exprimer la tentation, le conflit, la tourmente et la lutte constante entre le bien et le mal.

Avec "Pray", la compositrice au ton fragile et puissant livre un titre plus calme mais pas moins éblouissant avec un piano qui hypnotise et qui creuse un climat emprunt d’une lourdeur émotionnelle sur la souffrance, la vulnérabilité et la recherche de réconfort. Car quand il semble ne plus y avoir aucun espoir, aucun apaisement, est-ce que la nature humaine ne serait pas de s’en résoudre à prier, chacun à sa manière, en espérant trouver les outils pour survivre à la complexité de l’existence ?

Le titre "Sugarbread", une création expérimentale mêlant le timbre brut de la chanteuse, des choeurs à de gros instruments à vent obsédants, le tout avec une bonne part de reverb (tiens, tiens…) pour créer une chanson digne d’un film d’horreur comme si une fanfare lugubre (ou une guggenmusik qui jouerait enfin du bon son) nous attendait au tournant. Il y a peut-être un destin tragique à l’horizon, mais dans tous les cas il sera grandiose.

Malheureusement, le trip néoclassique et électro s’arrête déjà avec ces trois titres pour un résultat de moins de 10 minutes qu’on voudrait encore faire se prolonger. Vous savez bien ce que je vais vous conseiller, non ? On appuie sur repeat et on profite encore et encore de ce petit trésor tellement addictif. Au beau milieu du flou, du doute et du tourbillon de la vie, il restera toujours un guide et un refuge sublime dans la musique.