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2024 Mon P'Tit Loup

MON P'TIT LOUP - Mon P'tit Loup (2024)
Par RAMON PEREZ le 31 Janvier 2025          Consultée 847 fois

Figure-toi qu’avec ce texte j’atteins le nombre symbolique des 150 chroniques publiées, ce qui n’est pas rien ! Un cap que je n’aurais certainement pas pensé atteindre au moment de rejoindre ces colonnes. Alors j’en profite pour marquer le coup et te remercier toi, lecteur ponctuel ou plus régulier de ma prose, d’avoir pris le temps de figurer parmi les plus de 200 000 visites à ce jour, en espérant que tu aies pu y trouver ton compte. Merci aussi aux quelques-uns qui ont réagi, c’est toujours sympa d’avoir ces retours. Enfin merci à FP d’être ce qu’il est et de m’y avoir fait une petite place. Cela m’a permis notamment d’entrer en contact avec quelques personnes. Je pense entre autres à l’équipe d’Irfan, le label créé autour des OGRES DE BARBACK, qui a récemment publié la compilation dont nous allons parler. Je suis donc particulièrement heureux de fêter ma cent cinquantième avec eux.

Dans l’ordre, "Mon p’tit loup", c’est d’abord la chanson de Pierre PERRET (bien sûr présente sur l’album, dans la version de Flavia COELHO), titre que son auteur résume comme étant une chanson "de grande consolation". Elle a accompagné Nicolas Puluhen, un homme qui l’a écoutée en boucle, tel un baume sur sa blessure profonde. Celle d’avoir été abusé durant son enfance. Il en a fait un bouquin en 2023, d’ailleurs préfacé par l’ami Pierrot, écrit tel un exorcisme. Dans la foulée, le nom est devenu celui de l’association qu’il a créée. Œuvrant principalement à Mayotte et à la Réunion (où il habite), elle organise notamment des ateliers d’écriture dans les écoles. Enfin, Mon p’tit loup est maintenant ce livre-disque destiné à aborder l’inceste et plus généralement les violences faites aux enfants.

La partie livre est surtout un super-livret d’une cinquantaine de pages, pouvant accompagner ou élargir l’écoute de l’album. Il est préfacé par le juge Durand, particulièrement engagé sur ces questions. Il se termine par deux pages tentant de faire un état des lieux et adressant une suite de propositions à la collectivité afin de mieux lutter contre ces fléaux. Entre les deux, on retrouve les paroles des dix-sept chansons constituant cette compilation et, à chaque fois, un texte des artistes concernés. On leur a visiblement posé deux questions : as-tu été confronté à ce type de violences ? Que faire ? Cette dernière est souvent abordée par l’angle de la possibilité pour l’art de changer les choses. Je te laisse lire les réponses à la seconde question (j’aime bien celle à peu près scientifique de David COURTIN).

En revanche, arrêtons-nous sur les trois réponses à la première. Il y a ceux qui disent ne pas y avoir été confrontés, ni par eux-mêmes ni par leur entourage. Ils se positionnent de façon plutôt générale, au niveau des principes sociaux. Ils font cependant des chansons avec peut-être un peu plus de recul, qui arrivent facilement à parler à l’auditeur. Je pense en particulier au très bon titre d’OLDELAF qui, par sa touche personnelle si reconnaissable, attire immédiatement l’oreille sur le sujet des enfants battus. Ou encore à Didier WAMPAS qui se contente de reprendre "L’aigle noir" de BARBARA. Ce monument est sans doute la chanson à laquelle on pense le plus facilement lorsqu’on en cherche une abordant l’inceste. Je trouve que ce qu’il en dit est tout à fait pertinent, puisqu’il rappelle que ce texte n’a pas d’explication claire mais une interprétation possible et largement partagée. C’est précisément cette possibilité qui en fait sa grandeur. Outre qu’il a réussi à en faire un morceau rock’n roll, la présence de ce titre est dès lors tout à fait signifiante.

La deuxième réponse vient des personnes qui disent ne pas avoir été directement confrontées à ce genre de choses elles-mêmes, mais connaitre autour d’elles des enfants ou adultes ayant vécu ces traumatismes. Dans leurs témoignages, on lit entre les lignes que, quand la parole se libère, elle est souvent contagieuse, devenant sidérante par le nombre de cas proches que l’on ne soupçonnait pas mais qui se révèlent. Alors de la colère sourd de plusieurs de ces écrits et, bien sûr, également de leurs chansons. Mais il y aussi, surtout, la question de ce qu’on peut en faire. Une grande consolation comme Pierre PERRET ? Pas tant que cela. Plutôt une envie de parler et d’inciter à la parole, de s’adresser y compris au coupable comme le fait la Rue Ket dans un angle bien trouvé. "Mec, je te raconte les effets de ton geste, que je vois au quotidien chez cette personne que je connais". De façon générale, on entend beaucoup d’interrogations dans ces chansons qui renvoient la société consciente à ses difficiles et indispensables questionnements.

Et puis, il y a celles et ceux qui révèlent avoir subi différents types de violences (dont certaines personnalités ne sont pas parmi les moins connues). Dans leurs chansons, elles ne parlent pas forcément d’elles, parfois oui. Mais elles parlent de ressorts très intimes qui, en un sens, ne sont réellement touchables que par cette communauté de vécus. La confusion, l’inquiétude, la honte, le désespoir, autant de mots posés sur ces sentiments complexes, comme ceux de MAI LAN qui terminent le disque. Mais ça parle aussi de résilience, d’affirmation, de résolution. Entendre ça fait tout autant de bien. Parmi ces chansons très personnelles, je retiens de mon côté "Kap kap", une énorme claque en créole réunionnais, par Ann O’ARO. Même sans comprendre à la lettre le texte (il y a la traduction dans le livre), on en saisit le sens par son incroyable interprétation. Elle brosse en quelques minutes un tableau constitué d’une grande variation de sentiments qui nous amène à la limite de la transe. Rien que pour ce morceau ahurissant, il faut s’arrêter sur ce disque.

Ce titre amène avec d’autres une couleur world et plus précisément africaine à cette compilation. Il y a plusieurs artistes ultra-marins, il y a aussi à plusieurs reprises la fanfare béninoise Eyo’nle, fidèles compagnons des Ogres. Puisque c’est Irfan qui concrétise ce projet, ces derniers ne sont pas loin. Un de leurs morceaux figure bien au programme, mais c’est surtout Fredo qui semble s’être investi dans cette aventure, mettant beaucoup de monde en lien (notamment le lien premier, entre Nicolas Puluhen et Pierre Perret). Il orchestre quelques morceaux dont celui, très réussi, qu’il a créé spécialement pour l’occasion avec ses collègues de TRYO et de SINSEMILIA : "Eux, ils parlent de toi". Un autre artiste s’est particulièrement investi pour ce disque, c’est POLO. Il a illustré l’objet, mais c’est aussi lui qui lance la compilation avec son groupe MINIBUS, par une chanson issue d’un des ateliers d’écriture de l’association. On le retrouve un peu plus loin dans un duo saisissant avec Catherine RINGER, quelque chose de très simple mais qui touche profondément, notamment par le contraste entre ces deux voix si singulières.

C’est une compilation d’artistes différents, cela veut donc dire une hétérogénéité des styles. On y trouve des titres créés pour l’occasion et d’autres plus anciens mais qui ont trouvé une place toute naturelle, comme le brutalement froid "Notre homme" d’Albin DE LA SIMONE. La vingtaine d’artistes produit un disque qu’il est toutefois compliqué d’aimer entièrement, à moins d’être très ouvert musicalement. Ainsi, les quelques morceaux très pop de la fin de la compil ne sont pas tellement à mon goût. Mais cela n’a rien d’un problème : il me semble que le but n’est pas de tout aimer, mais que chacun puisse trouver quelque chose qu'il aime. Je pense que c'est ainsi que ce genre de projet devient pertinent, en permettant à tout le monde d'être intéressé, qu'on ait connu ça ou non.

Personnellement, j’ai vécu quelque chose de cet ordre. Je l’ai longtemps occulté. Je pensais à autre chose, consciemment ou non, qu'en sais-je ? Ce n’était pas un sujet, je ne m’en souvenais pas. Et puis, ça a fini par remonter. Pourquoi, comment ? Cela serait sans doute complexe à analyser réellement. En tout cas, cela s’est fait à un âge où je pouvais qualifier ce dont il était question. Cela a-t-il changé quelque chose d’en parler ? Pas vraiment. Peut-être suis-je mieux compris de ceux qui savent. Sans doute me comprends-je mieux moi-même. Mais, au-delà, le fait est qu’on reste seul avec son bagage, dans ce monde qui n’attend pas, avec son ressenti et ses émotions qui ne se partagent jamais vraiment, même avec un ouvrage comme celui-ci. Et c’est peut-être mieux ainsi.
Pour répondre à la seconde question, que peut faire une chanson, je dirai que c’est à chacun d’en faire quelque chose, ou non. L’artiste l’a créée, elle est là, on peut s’en saisir. S’en saisir pour déverser quelque chose. Nos espoirs, nos peurs, nos colères. Ça, ça fait avancer. Par exemple, le message un peu simple de "Trompe-la-mort", je n'ai personnellement rien à en faire. Je n’en suis plus là. Mais je sais qu’il existe quelque part un gamin, et sans doute plein de gamins, et encore plus de gamines, qui pourront en faire quelque chose. Parmi ces kids, il y en a certains que cela aidera vraiment. C’est pour eux qu’il faut remercier Pierre PERRET, Nicolas Puluhen, Fredo, Polo et tous les autres pour ce type de démarche.

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Claude NOUGARO
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1. Le Monde Est à Moi [minibus]
2. Boxe [oldelaf]
3. L'aigle Noir [didier Wampas]
4. Sous La Mer (toujours Vivant) [polo Et C. Ringer]
5. Le Buissonnier [jp Nataf]
6. Eux, Ils Parlent De Toi [fredo, Guizmo, Mike & Rik
7. Les Innocents [magyd Cherfi]
8. Notre Homme [albin De La Simone]
9. Trompe-la-mort [david Courtin]
10. Kap Kap [ann O'aro]
11. Mon P'tit Loup [flavia Coelho]
12. Hé Papa [les Ogres De Barback]
13. Derrière Ses Cheveux Longs [la Rue Kétanou]
14. Marmouzet [donita]
15. Le Monde Tournerait Encore [mam'zelle Prune & Kama
16. Visiter L'enfer [donita & Marie Lanfroy]
17. Le Loup [mai Lan]



             



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