Même si Jack Antonoff est le producteur chéri de ces dames (Taylor SWIFT, Lana DEL REY, LORDE et j’en passe), ST. VINCENT ne remet pas le couvert sur ce huitième album qu’elle décide de produire dans son entièreté sous son propre label, Total Pleasure Records. All Born Screaming sort au printemps 2024 et lui vaut trois victoires durant les derniers Grammy Awards.

Alors, ST. VINCENT, ça donne quoi ? Tout d’abord, une version de l’album revisitée en espagnol (Todos Nacen Gritando), pas question pour Annie d’oublier sa communauté hispanophone ! L’artiste américaine nous fait entrer dans l’univers musical de cet album qu’elle qualifie de post-plague pop, avec un titre follement optimiste, "Hell Is Near" qui me fait penser à une sorte de synth-pop alternative où l’électronique planante est très présente. Le chant de ST. VINCENT oscille entre touches angéliques et attitude de sorcière 2.0. La tension est palpable, l’ambiance éthérée, alors il n’en faut pas plus pour piquer ma curiosité.

Dans "Reckless", le piano se pointe tout en lenteur pour créer un sentiment d’inquiétude parfaitement adapté au désespoir du texte (And I’ve been mourning you since the day I met you). La basse vacille et l’orgue apporte son côté sinistre avant que ST. VINCENT ne fasse éclater sa bombe avec cette outro explosive, méchante et bouleversante. Le single "Broken Man" reste un de mes morceaux préférés : la musicienne se rapproche du rock, ses riffs de guitare sont puissants, son chant est souvent sauvage mais totalement sous contrôle. L’ambiance est royale ! On sent la liberté artistique dans ce titre aussi brut que sensuel, mais surtout la maîtrise des instrumentations foisonnantes très bien réussies.

"Violent Times" est un morceau où ST. VINCENT intègre les cuivres et la contrebasse au show dans une ambiance très mystérieuse et évocatrice, alors qu’elle rend un bel hommage - un peu plus expérimental - à la regrettée SOPHIE dans "Sweetest Fruit" (My SOPHIE climbed the roof/To cet a better view of the Moon/My God, then one wrong step/Took her down to the depths).

Il y a quelques titres auxquels j’ai moins accroché (le single "Flea", "The Power’s Out" au côté fanfare psychédélique qui pourtant devrait me plaire, ou encore la vibe reggae-tropical de "So Many Planets") mais ST. VINCENT se rattrape ailleurs, par exemple sur le très bon single "Big Time Nothing" où elle met en musique sa dépression à coups de batterie déterminée et d’une basse très funky, bref au diable les idées noires, Annie est perchée, elle s’éclate et ça s’entend.

Annie finit par la chanson titre "All Born Screaming", un duo porté par la basse de la galloise Cate LE BON et une mélodie plus légère que sur le reste de l’album. Toutes les belles chansons se terminent par une section instrumentale et ici elle est intense et complètement chaotique, un vrai régal.

All Born Screaming m’a conquis et illustre parfaitement le côté insaisissable d’une ST. VINCENT qui navigue avec une incroyable facilité entre les genres musicaux, sans se laisser enfermer dans des cases. Cette diversité musicale n’est pas un simple exercice de style : il confirme son goût pour l’expérimentation sonore et représente à merveille cette ère où rien n’est figé. Forcément, quand les frontières entre les genres s’estompent, cela complexifie les classifications traditionnelle, mais cela célèbre surtout le foisonnement et l’éclectisme musical de notre époque.