Il est tard, très tard. Pas lumière dehors, pas plus que dedans, si ce n’est la lueur d’une cigarette qui se consume sur le rebord d’un cendrier trop plein. Dans la moiteur d’un instant révolu en 2017, l’album Cigarette After Sex du groupe du même nom s’ouvre comme un hommage aux nuits passées à se noyer dans un grand verre de nostalgie.

La voix de Greg Gonzalez, chanteur et guitariste à l’origine du projet, flotte au-dessus de l’instrumentation brumeuse du premier morceau, le single "K.". On découvre une ambiance feutrée et minimaliste, la ligne de basse ronde et vaporeuse de Randy Miller, les claviers discrets de Phillip Tubbs, la batterie murmurée de Jacob Tomsky et Greg le romantique qui nous livre ici sa première chanson d’amour.

On assiste à une suite de rêveries mélancoliques sous forme de chansons au tempo lent et aux instruments toujours très aériens comme "Flash" avec sa guitare nappée de réverbe et sa vibe cotonneuse, "Opera House" qui dans un soupir prolongé s’étire trop longuement ou le single "Sweet" qui illustre bien cette dream pop éthérée que CIGARETTES AFTER SEX déballe dans ce premier album. Les compositions et la voix aux tonalités souvent androgynes de Greg voudraient nous faire planer en apesanteur, mais je dois vous avouer qu’au lieu de me prendre à rêver les yeux ouverts, j’ai plutôt dû combattre quelques crises de bâillements.

C’est toujours le même genre de chant presque chuchoté que Greg utilise pour se lamenter, aussi bien sur des titres à la rythmique répétitive mais plus travaillée comme "Truly", "John Wayne" et "Young & Dumb". Le son reste lui aussi uniforme mais j’aime cette mélodie à la dérive présente sur le single "Each Time You Fall In Love". La chanson "Sunsetz" représente assez bien l’identité sonore ambient recherchée par CIGARETTES AFTER SEX, où le psychédélisme est évanescent. Finalement, le single "Apocalypse" détient aussi ces qualités en plus d’un côté dream pop plus marqué et d’une instrumentation presque hypnotique. Les textes de Greg ne sont jamais très profonds mais ici, la simplicité lui va à ravir (Your lips, my lips/Apocalypse).

D’une langueur infinie, CIGARETTES AFTER SEX nous présente le son doux, presque soporifique, de morceaux qui semblent tous être une variation subtile du précédent. On applaudit la cohérence de cet univers façonné pour accompagner les nuits d’insomnies où le passé vient toquer à la porte. On nage dans les sonorités brumeuses au ralenti qui s’imposeront aux aficionados d’ambient pop comme une atmosphère à part entière.

Je m’attendais à mieux en découvrant ce groupe. Malheureusement, CIGARETTES AFTER SEX n’a pas vraiment réussi à me toucher avec ce premier album éponyme, monochrome en tout point et finalement assez peu envoûtant, alors je reste sur un honorable 3. Un disque à l’esthétique sonore maîtrisée qui ne s’écoute pas en pleine lumière, mais dans l’ombre des heures tardives.