Il existe plusieurs versions de End Of Teenage. Il s’agit au départ d’un LP sorti en 2014 sous le nom de groupe The BET SHE’AN VALLEY HILLBILLIES, la formation de Charlie Megira accompagné de The Dead Girl (Tal Shaked) à la basse et de Corso aux percussions. Une version comprenant des titres supplémentaires est parue en 2024 via Numero Group, le label continuant à exhumer des démos et enregistrements posthumes. End of Teenage retrace les années berlinoises de Charlie Megira avec les Bet She'an Valley Hillbillies, peu avant sa mort en 2016.

La version ici présentée est un EP de cinq titres et d’environ 25 minutes qui s’avère particulièrement intéressant car il extrait les titres les plus remarquables de End of Teenage et mis à part "Alligator Man" qu’on retrouve sur Tomorrow’s Gone, ces titres ne figurent ni sur la compilation de 2019 ni sur l’excellent album Love Police. C’est donc un EP qui permet d’avoir une vue presque complète sur le meilleur de ce qu’a produit Megira (cet EP n’existe apparemment que sous forme dématérialisée) si on possède déjà cette compilation et Love Police.

Dans cette formation à trois, les titres sont joués sans batterie, seules des percussions (bongos) sont utilisées et on se rend compte qu’en fait le kit de batterie n’est pas indispensable pour jouer du rock ; il fallait oser par exemple faire une réinterprétation de "Heart And Soul", le titre qui ouvre la terrible face B de l’album Closer de JOY DIVISION… sans cette batterie qui mitraille tout au long du titre et dont la complémentarité avec la guitare y est fantastique, une symbiose redoutable qui transporte les esprits dans une hypnose qui fait lâcher les corps. Je fais partie de ceux qui pensent que par principe aucun titre n’est intouchable, même si l’exercice est périlleux de s’attaquer à un morceau parfait comme "Heart And Soul". Megira mise bien sur la réverbération pour se rapprocher vocalement de Curtis ; sans surprise, s’il est impossible de reproduire cette voix hantée et maladive d’origine, cette re-visitation qui commence sagement, mais alterne vite entre atmosphères vaporeuses et feutrées de fumerie d’opium et sursauts bruitistes psychédéliques, tient la route parce que Megira sait lâcher sa guitare, éruptive comme on lâche des chevaux sauvages, et finalement c’est ce qu’on attend d’un amoureux du R’n’R débridé.

"Jack The Ripper", le morceau instrumental qui ouvre l’album, est une sorte de medley R’n’R / Rockabilly / Psychobilly / Surf déchaîné fait d’un ensemble de tableaux dans lequel le guitariste nous fait une démonstration de tout ce qu’il aime : la guitare crie, renâcle, gronde, à la fois docile et sauvage, elle semble animée de sa propre existence… ce sont les fantômes des grands du R’n’R qui de là-haut ont pris possession de l’esprit de Megira pour un dernier tour de piste endiablé et incandescent ; un morceau purement génial. Sur l’instrumental qui clôt l’EP, "The Death Dance III", Megira jongle sur des tableaux plus latinos avec une rythmique des bongos qui fait penser à celle du tango. Les premières notes d’ouverture donnent le ton, l’atmosphère sera chaude, la sueur coule sur nos fronts, on cherche un peu d’ombre, et ce n’est pas le titre chanté, le superbe "Alligator Man" qui la refroidira parce que là on a la parfaite sensation de parcourir les plaines arides à cheval, le chapeau à bord larges, en direction de Vera Cruz. Le troisième instrumental "Banana" est une nouvelle démonstration que l’Israélien ne laisse pas une once de répit à sa guitare, du début à la toute fin elle doit cracher tous ses poumons entre accords qui tombent sec et trémolos rageurs.

The End Of Teenage est donc un très bel EP de cinq titres tous particulièrement réussis. Ceux qui aiment le rock vivant, énergique, passionné, et la guitare seront ici aux anges. S’ils découvrent et apprécient Charlie Megira avec cet EP qu’ils foncent sur l’excellent album Love Police.

Note : 4.5/5.