S’il y a bien un groupe référenciel dans l’histoire tumultueuse du punk, c’est bien THE RUTS qui a marqué les purs et durs de la vague hardcore. HENRY ROLLINS, un fan 'number one' et activiste de ladite scène, a d’ailleurs participé à une reformation de nos fauves du rock punk durant les annés 2000 en braillant avec eux.
Le groupe évolue dans les sphères punk/reggae du Londres de la fin des turbulentes 'seventies'. Marqué par le discours 'antifa' de CLASH, il participe aux festivals liés à cette cause. Son album, The Crack sorti en 79 reste un chef-d’œuvre du punk 'made in Britain', illustré par des singles mémorables, défendus bec et lièvre par John Peel, grand découvreur des talents du rock anglais dans ses versions les plus déviantes. Mais les drogues vont ravager le gang sauvage. Leur leader, le hurleur Malcolm Owen, décède en 80 d’une overdose d’héroïne, rejoignant SID VICIOUS et Darby Crash parmi les martyrs contemporains des épinglés à nourrice.

Cette compilation sortie huit ans après le chef-d’œuvre conté par le regretté King Bee reprend en grande partie les venimeuses chansons extraites de The Crack.
Commençons par les hymnes. "In A Rut" pose les bases du son des RUTS : rythmique en béton armé, pompée élégamment sur celle de l’incroyable "Down in the Street" des STOOGES, refrain avec chœurs virils annonçant la vague 'punk not dead' tendance UK SUBS, passage psychédélique. Quasiment du heavy punk. Un must absolu.
"Babylon's Burning", autre grand hit, nous interpelle avec sa sirène de police en introduction, la cavalcade des guitares, pas loin des arrangements des cousins irlandais STIFF LITTLE FINGERS, et ses lyrics définitivement influencés par les paroles des "rastafaris".
Le furieux "Human Punk", extrait d’un concert de 79 au Marquee, basé sur un refrain plein de morve, des débuts explosifs, une basse inquiétante, annonce les 'oieries' de la vague 'punk not dead'. N'oublions pas "Jah War", à la septième place des charts britanniques, qui aura une grosse influence sur les musiques dites fusion. On imagine que les BAD BRAINS ou FISHBONE ont dû écouter énormément ce classique du punk/reggae, que l’on peut comparer aux travaux de la même période des premiers POLICE, de BASEMENT 5, des SLITS, voire de P.I.L.
Cette référence explicite à la musique chaloupée des Antilles se retrouve aussi dans "Love In Van". Le côté proprement punk est présent dans "S.U.S.", diatribe contre les 'cops rosbifs', ( marquée par la batterie tribale du début, un duo basse/batterie annonçant un riff implacable qui préfigure le Hardcore alors en gestation et même un passage plus aérien), ainsi que dans le plutôt rapide "Criminal Mind".
Ca jouait du feu de Dieu. Les zicos s’entichaient certes de 'punkitude' énervée, mais étaient largement au-dessus de la mêlée des autres gangs d’iroquois.
Par ailleurs, on sent que le combo a digéré tout le punk de son époque : le pistolien "H Eyes", "Dope For Guns" qui serait une rencontre entre CLASH et MC5, le musclé "You're Just A ....", sorte de croisement entre CLASH et DAMNED, "It Was Cold", balade lourde flirtant avec la cold wave, au jeu de basse menaçant qui revient tout le long de la chanson, son passage quasiment 'heavy metal' à deux minutes cinquante, son bruit d’orage et le tout finissant par le refrain d' "In a Rut" (le genre de morceau qu’ont dù écouter en boucle les OUTCASTS), "Staring At The Rude Boys" utilisant un peu les mêmes codes que PETER AND THE TEST TUBE BABIES, la batterie à la MOTORHEAD du speedé "Savage Circle". Le mélancolique "West On (Shine On Me)" avec l’utilisation d’un saxophone, ambiancé par un moment dub/psychédélique, n’est pas loin de certaines compositions des DAMNED.

Cela donne une solide compilation démontrant la puissance, non dénuée de mélodies, d’un groupe, cetes référencé, mais fondamental.