Dans la pénombre brumeuse de la nuit, BAT FOR LASHES remet le couvert en invoquant les esprits des âmes errantes dans The Haunted Man, un troisième album qui promet de nous fasciner autant que les précédents. La première chanson, "Lilies" donne un souffle léger et tragique à cette ouverture dont la douceur glacée caresse l’échine. Les nappes de synthés flottent dans l’obscurité et Natasha KHAN surgit avec sa voix claire dans une quête de sens (Begged the thunderbolts to strike and mark me as alive). L’incantation semble est réussie, entre procession funèbre et hymne à la résilience, les cordes gonflent et les percussions tapent ce rythme solennel, également synonyme de victoire (Thank God I’m alive!).

Dès le deuxième titre, on comprend que l’album risque bien d’osciller entre murmure et tempête. Le single "All Your Gold" assombrit l’atmosphère (A ghost from the past has turned my heart black/Am I ever gonna let him go? And get my gold back?) malgré un beat presque tribal, influencé par le trip-hop, et ces refrains qui claquent la désillusion amoureuse… en bref, c’est un morceau de contraste à écouter absolument. Même ambiance sur "Horses Of The Sun", une chanson qui symbolise la liberté, à l’image des chevaux (You and me/We’re wild and on the run/Busting out the heavens/Like the horses of the sun), et qui incarne le voyage au travers d’arrangement sombres et résonnants, où la guitare monte en puissance, comme KHAN qu’on entend transcendée par un cri libérateur.

Là où certaines chansons embrassent une théâtralité mystique, Natacha choisit des instrumentations épurées pour nous bouleverser, avec la ballade au piano "Laura" et un soupçon de cuivres vibrants, comme sur "Marilyn" qui s’inscrit dans une veine presque new-wave. J’aime beaucoup la flûte et tous ces violons qu’on entend sur "Winter Fields" même si le chant, cette fois-ci, me convainc moins.

Plus rythmé, "Rest Your Head" est une jolie chanson aux sonorités pop plus traditionnelles avec ses tonnes de synthés, à l’image du single "A Wall" que j’aime cependant un peu moins malgré le message d’aventure que Natacha partage pendant ces quatre minutes (‘Cause where you see a wall, I see a door/We’re entering a brave new world). Retour à une instru trip-hop syncopée à la langueur sensuelle sur le morceau "Oh yeah", parfaitement exécuté et doté d’un choeur qui fait plaisir à entendre, rendant l’intensité croissante à mesure que le titre défile.

Dans la chanson-titre "The Haunted Man", les arrangements sont dépouillés et minimalistes, comme Natacha sur la pochette où elle apparaît nue, portant le poids d’un homme sur ses épaules. C’est un morceau dont la longue intro peut nous perdre, mais passé la brume de synthés les percussions martiales débarquent au côté d’un choeur spectral. Ca résonne comme des tambours de guerre assourdis, waouh il n’en fallait pas plus pour m’envoûter. Donnez-moi une trompette et des violons et ça y est, moi je m’incline… Sublime.

Finalement, on termine par "Deep Sea Diver", une fuite vers l’inconnu, une échappatoire aux accords délicats pour nous apaiser après cet album qui ramène à la fois à la gravité et à l’envol. Dans ce projet, Natacha s’est clairement concentrée sur des instrumentations extrêmement poétiques, tout comme les textes qui sont chargés de symbolisme. Bref, même si le résultat est un peu plus tendre que d’habitude, BAT FOR LASHES reste un guide parfait pour voyager au plus profond de l’âme et dévoiler les émotions intenses qui se cachent derrière les chansons de The Haunted Man.