AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La bande originale de Princesse Mononoké composée par Joe HISAISHI, qui collabore une nouvelle fois avec Hayao Miyazaki, est un chef-d’œuvre sonore sublime qui nourrit et traduit l’essence même de cette épopée épique à travers des compositions riches.

Pour concevoir cette bande originale, Miyazaki lui fournit des poèmes et des livres décrivant l’univers et les croyances du Japon médiéval à partir desquels HISAISHI crée un 'image album', qui a été également publié et servira à composer les musiques que l’on retrouvera dans le film. Le tout donne beaucoup de compositions mais elles sont plutôt courtes, moins d’une minute pour certaines, et l’on retrouve des thèmes récurrents.

Princesse Mononoké, c’est un poème sombre, violent et tragique, qui touche à l’aspect divin. C’est aussi une ode au caractère sacré de la nature.

Pour cette bande originale, HISAISHI se dirige vers des sonorités et des instruments traditionnels. Les musiques forment donc une rencontre fascinante entre le traditionnel et le moderne. Enregistrées par l’Orchestre Philharmonique de Tokyo, elles intègrent des cuivres puissants, des cordes envoûtantes, des percussions tribales et des instruments traditionnels comme le erhu, que l’on retrouve dès l’ouverture avec "The Legend Of Ashitaka". On y trouve aussi des éléments électroniques créant ainsi des sonorités riches et diversifiées.

Les thèmes sont donc d’une diversité remarquable. "The Legend Of Ashitaka" ouvre le thème principal qui reviendra sous diverses formes tout au long du film, et déploie une mélodie apaisante et aérienne portée par une orchestration divine. "Princess Mononoke Theme Song" compte une version instrumentale d’une douceur ébranlante et une version vocale interprétée par Yoshikazu Mera qui apporte une note tendre et éthérée au milieu du film, sans que l’on s’y attende, en faisant un moment clé et poignant du film.

Comme toujours dans les collaborations entre HISAISHI et Miyazaki, la musique sert à l’image et ensembles véhiculent des émotions intenses rendant les dialogues presque secondaires. L’utilisation de silences entrecoupés de bruits naturels donnent des moments très vivants et suspendus à la fois. Le minimalisme de certaines musiques et les bruits de la nature ajoutés à des percussions traditionnelles comme dans "Kodamas", "Evening At The Fireworks" ou "Lady Eboshi" mettent en valeur la nature sacrée si chère au film. Le contraste entre intensité dramatique et passages plus légers montre la maîtrise d’HISAISHI dans sa gestion de la dynamique. La musique n’hésite pas à exprimer et développer le sentiment de colère donnant de grands moments. La tension s’exprime avec des sonorités électroniques, qui créent des instants surnaturels et avec des cuivres ardents et des percussions qui ponctuent les scènes de guerre ou de violence. Pour cela, on peut notamment citer "The Demon God", "The World Of The Death" et "Battle Drums" une musique qui renvoie à des sonorités tribales.

Les moments plus intimes, tels que "Departure To The West" s’enveloppent d’harmonies légères et délicates. À peu près toutes ces musiques plus apaisées renvoient aux notes du thème principal, créant un effet rassurant. "The Land Of The Impure", "The Encounter" ou encore "Will To Live" par exemple reprennent ce thème et paraissent planer touchant à la beauté, la flûte ajoute une touche cristalline.

Bien que non utopique, le thème "Ashitaka And San" se joue sur un piano délicat qui, après la noirceur, paraît presque enfantin tend il est tendre ne nous donnant pas envie de revenir à la réalité. "The Legend Of Ashitaka (Ending)" clôt le conte sur un orchestre grandiose et bouleversant.

Miyazaki explore les thèmes de l’écologie, du sacré, du conflit entre l’Homme et la nature et les notes d’HISAISHI sont le miroir sonore de ces préoccupations, bien qu’elles possèdent aussi la force de se dissocier du film pour s’écouter indépendamment. Princesse Mononoké est sans conteste une bande originale incontournable des plus marquantes dans l’univers de l’animation japonaise. Le thème principal est sublime. L’alchimie entre Miyazaki et HISAISHI crée des moments flamboyants, aussi sombres que merveilleux, un chant du cœur puissant au comble de la beauté.