Deuxième album solo pour le guitariste-chanteur des texans de King's X, apparemment jamais à cours d'idées dans ses différents projets, Safety a été élaboré sur une période de trois ans et comme le précise Ty Tabor dans le livret, les chansons de départ étaient tellement dépressives qu'il a hésité un bon moment avant de les éditer sur album. On comprend très vite pourquoi quand on écoute l'album les premières fois. Cette pop mollassonne aux guitares légèrement grungy ne m'avait pas emballé outre mesure.

La question est : un tel album peut-il plaire à un public autre que celui du metal ou du grunge ? La question mérite d'être posée car on ne peut pas dire que Ty Tabor soit un gros vendeur, déjà que son groupe principal, King's X, rame comme c'est pas permis depuis plus de 20 ans... Safety est clairement un album pop... mais à quel public s'adressera t-il ? Avec sa production faite « maison » et un propos aussi personnel, les amateurs de pop à la Coldplay apprécieront-ils ? Rien n'est moins sûr. Le public metal, auquel King's X est toujours assimilé (on se demande bien pourquoi d'ailleurs), même chose. Le public grunge... ah, ça existe encore ça ? Non, décidément, Safety fera un bide et ne trouvera jamais son public, c'est écrit sur le papier. Voilà c'est dit.

Une fois ces questions existentielles et ces histoires d'étiquettes passées, l'auditeur n'aura aucun mal à se laisser bercer par les mélodies mélancoliques de Safety, touchantes, à fleur de peau. L'aspect intimiste de Safety permet à Ty Tabor de se concentrer sans retenue sur les mélodies, en oubliant le groove de King's X malgré la présence du batteur Jerry Gaskill, ici plus effacé. Oui, les gros riffs de King's X sont laissés au placard, ces fameux riffs qui, justement, expliquent l'affiliation du musicien à la scène metal. Ah, cruel dilemme, alors que celui-ci peut pondre de magnifiques mélodies « Beatle-siennes » quand il veut bien s'en donner la peine (et c'est le cas ici, contrairement aux derniers albums de King's X d'alors, les controversés Please Come Home... Mr Bulbous et Manic Moonlight !), le voilà toujours le cul entre deux chaises, coincés entre deux extrêmes, refusant définitivement de choisir son camp.

Si Ty Tabor n'est pas le plus grand chanteur pop de tous les temps (son timbre est vraiment monocorde et ses capacités vocales limitées), il n'a aucun mal à faire passer l'émotion dans ce registre délicieusement larmoyant et intimiste... on peut même difficilement faire mieux. Afin d'éviter une trop grande linéarité, Ty Tabor alterne chansons acoustiques, électriques et ballades. Et ce sont les morceaux les plus soft qui retiendront le plus l'attention. Certaines ballades sont vraiment sublimes (Room For Me, True Love) et il aurait été dommage de ne pas en profiter. Quelques titres acoustiques plus dynamiques (Safety, Now I Am) empêcheront l'auditeur de déprimer complètement. Et c'était l'effet voulu par Ty Tabor afin de positiver un peu tout ça, de relancer le rythme. Seuls Funeral et une autre ballade, I Don't Mind, rappelleront King's X. Et même si au final, on ne se retrouve pas avec un grand disque, des exutoires comme celui-là, Ty Tabor peut nous en faire d'autres quand il veut.