Beyoncé KNOWLES n’a même pas dix ans quand elle auditionne et rejoint le groupe Girl’s TYME avec LaTavia ROBERSON, LeToya LUCKETT et Kelly ROWLAND. Les filles passent par la case télécrochet puis changent de nom avant de s’arrêter sur DESTINY’S CHILD. Daddy Knowles prend rapidement les rennes, manage les filles et leur trouve un contrat chez Columbia Records. On ne le sait pas encore, mais les ados texanes vont incarner l’avenir du R&B contemporain, rien que ça !

Le groupe sort son premier album, Destiny’s Child, en 1998. Le son est assez typique du R&B pré-années 2000, c’est un condensé de ce qui se faisait à l’époque, produit entre autres par Wyclef JEAN et Jermaine DUPRI. Même si les DESTINY’s CHILS se présentaient comme un quatuor vocal équilibré, l’écoute de ce premier opus montre une dynamique assez révélatrice de la répartition vocale inégalitaire au sein du groupe ainsi que de la trajectoire qu’allait prendre Beyoncé dans les années à venir. Cette hiérarchie voit la chanteuse de 16 ans s’impose sans équivoque comme la meneuse du groupe, omniprésente au centre de chaque mix.

On entend l’héritage soul d’entrée de jeu dans "Second Nature", un titre construit autour d’un sample de "Make It Easy On Yourself" des ISLEY BROTHERS. C’est du R&B doux fait d’harmonies riches, assurées dans l’ombre par LaTavia et LeToya, également sur le morceau "Tell Me", chialante 90’s à vomir. Evidemment, les DESTINY’S CHILD ne négligent pas ces ballades romantiques, obligatoires dans un album de R&B : on s’emmerde autant en écoutant "Birthday", "My Time Has Come" ou encore "Sail On", une reprise de Lionel RICHIE. Il y a une jolie ambiance de violons en arrière-plan et de guitare discrète sur "Killing Time" qui apparaît à l’époque dans la bande-originale du film Men In Black.

"Bridges" est de meilleure composition dans son genre, une power ballade classique au beat mid-tempo qui fait penser à Toni BRAXTON et En VOGUE. Encore des choeurs impeccables en crescendo qui renforcent la densité vocale du morceau, de très beaux cuivres et une Beyoncé qui s’approprie totalement la scène, épaulée légèrement par Kelly. Ambiance de soul moderne dans "Show Me The Way" qui met en exergue l’amplitude vocale de Beyoncé sur un beat syncopé dont les petits accents funk rappellent les années 70 et 80.

Le single "With Me Part I", produit par DUPRI, mélange joliment quelques éléments hip-hop au R&B , encore plus mis en avant, grâce à ce piano franc, sur le titre "With Me Part II", un featuring avec le rappeur Master P dans lequel les oreilles attentives pourront entendre le contrepoids soyeux de Kelly ROWLAND, moins démonstrative que Beyoncé. J’aime beaucoup la vibe du morceau "Illusion", une reprise du groupe IMAGINATION, produite par Wyclef JEAN et qui s’inscrit complètement dans la mouvance R&B/hip-hop du milieu des années 90.

C’est le tube "No, No, No Pt. 2" co-écrit et co-produit par Wyclef qu’on retient à ce jour de cette première livraison. À l’époque, le chanteur haïtien s’est fait une place de maître dans le monde du hip-hop grâce au succès de son groupe The FUGEES et est appelé pour revigorer le beat du single "No, No, No, Pt.1", un slow jam sensuel à l’ancienne, bien mou. JEAN donne la réplique aux DESTINY’S CHILD et insuffle au morceau une rythmique plus dansante dont le groove efficace à la sauce hip-hop, faisant de ce remix affuté un pilier central dans la discographie du groupe.

Dès ce premier album, les DESTINY’S CHILD fonctionnent moins comme un groupe où chaque membre à ses opportunités pour briller, mais plutôt comme un projet que Daddy Knowles s’efforce d’articuler autour du lead vocal de sa progéniture. Les subtilités gospel et les harmonies serrées montrent une sophistication qui deviendra pas la suite une caractéristique du groupe, mais l’absence de place pour LaTavia et LeToya jouera un rôle majeur dans leur départ à venir. Niveau musique, il y a une constance dans l’ambiance, même si cette dernière reste très modeste et un peu timide. Destiny’s Child propose un R&B pas vraiment entraînant, dont les nappes de synthés accompagnés de basse souple sont malheureusement restées dans leur jus.