AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Ce troisième album solo de Patrick MIMRAN est l’exact négatif de HONNI SOIT - Qui Mal Y Pense (1989), sa collaboration avec le violoncelliste allemand Wolfgang TIEPOLD qui déployait plutôt avec succès (artistique et pas commercial, cet album étant aussi confidentiel que le label suisse éphémère qui l’a publié) un faste lyrique et orchestral. Stairs, créée comme bande-son de l’essai filmique Stairs 1 Geneva du réalisateur britannique Peter Greenaway.

Stairs est de la musique électronique numérique, à l’instar de Back To Earth (1987), mais le son, le style et le format diffèrent beaucoup. Cet album plutôt court (28 minutes), bien que sans coupure et devant s’écouter d’une traite, est subdivisé en 99 pistes de 8 à 42 secondes chacune, un découpage suivant plus ou moins la structure musicale de l’œuvre. La structure consiste en un thème décliné de nombreuses manières et dont les nombreuses déclinaisons reviennent à plusieurs reprises en s’imbriquant diversement ensemble. Cela nous donne une œuvre des plus homogènes, mais ce n’est pas qu’une question de cohérence : Stairs est redoutablement hermétique.

Cela dit, Stairs peut s’apprécier dans le style électro-symphonique. Les mélodies de cette longue et sinueuse composition sont certes minérales, en grande partie constituées d’émulations d’instruments classiques, mais le thème, réexposé à plusieurs reprises, est maintes fois développé et le tout gagne en épaisseur. On compte au total trente-deux phrases musicales différentes, de douze à vingt-huit mesures, ainsi que leurs variations. Les premières minutes montrent encore un semblant de simplicité, mais il est impossible de définir une structure globale simple de l’œuvre tant les phrases s’enchevêtrent.

Si on peut voir en Stairs un exemple électronique de musique savante dite 'contemporaine', certains passages mettent en évidence le style mélodique de Patrick MIMRAN – on est cependant plus proche du romantique back To Earth que du plus dramatique Novels For The Moons. L’ensemble est encore très largement dominé par le mode mineur. Cent escaliers dans la ville de Genève, cent minutes de film pour cent petits mouvements musicaux (la piste 69 du CD contenant deux phrases musicales). Patrick MIMRAN réussit donc à renouveler son style en explorant des structures musicales plus riches, vis-à-vis de celles, plus simples, de Back To Earth.