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2015 Sprained Ankle
2017 Turn Out The Lights

Julien BAKER - Turn Out The Lights (2017)
Par ARCHANGEL le 30 Juillet 2025          Consultée 175 fois

Il y a dans Turn Out The Lights cette lumière vacillante que Julien BAKER avait laissé en suspens à la fin de son premier album, Sprained Ankle, auto-produit dans sa chambre d’étudiante. Au diable la pudeur murmurée de ce premier opus, avec cette nouvelle cuvée 2017, BAKER explore encore les ténèbres en solitaire et ose se faire entendre en assumant plus pleinement sa voix. On la retrouve là où on l’avait laissée : à la guitare ou au piano, en tête-à-tête avec ses démons. Elle ne renie donc rien de cette noirceur qui la hante mais elle s’en empare et investit son oeuvre comme on ne l’a encore jamais entendue.

BAKER ouvre les festivités avec "Over", un court prélude instrumental magnifiquement suspendu dans le vide. Quelques notes de piano créent une atmosphère quasi liturgique et très vite, une section de cordes discrète mais poignante s’invite en installant une tension sourde comme si on entrait dans la cathédrale secrète de la chanteuse… Un morceau sans voix mais qui dit beaucoup, puis, dans la continuité, vient le single "Appointments" et la voix de BAKER entre enfin, un peu timide, pour nous raconter ses brèches sans jamais s’apitoyer sur son sort. La production ambient est épurée, triste alors que la guitare trempée dans la réverbe cristallise la formule BAKERienne : un dépouillement chargé d’émotion. Les nappes orchestrales ainsi que le piano progressent en intensité vers la fin du morceau où Julien continue de chanter sa promesse d’espoir sur un crescendo léger, telle une prière de survie contée sans emphase (Maybe it’s all gonna turn out all right/Oh, I know that it’s not but I have to believe that it is).

La lenteur de la chanson-titre "Turn Out The Lights" renforce l’architecture dramatique de l’album avec ces accords de guitare espacés et une signature rythmique simple et flottant. La voix de BAKER s’installe avec un naturel désarmant en cherchant la justesse dans chaque souffle et à mesure que la chanson avance, elle pousse de plus en plus sur des arrangements plus amples - les cordes s’épaississent et le piano gagne en profondeur - sans perdre la proximité émotionnelle. Même au sommet, lorsqu’elle chante à pleine voix, Julien ne tombe pas dans la démonstration, elle reste tendue et vulnérable. Un refus du spectaculaire qui rend ce single encore plus touchant.

"Shadowboxing" s’impose comme l’une des performances les plus fragiles de Julien sur un arrangement piano-guitare qui prouve que la chanteuse maîtrise l’art de l’épure absolue, non seulement grâce à l’instrumentation, mais aussi grâce à sa voix portant une sensibilité qui transperce l’âme. "Sour Breath" est aussi un sommet d’intensité contenue où la fureur et la foi se frottent les coudes. La guitare est grattée doucement et c’est dans ce choix minimaliste que BAKER peut creuser la souffrance à même la matière dans un crescendo où elle scande son texte sans relâche comme une ligne de vie (The harder I swim/The faster I sink).

Dans "Everything To Help You Sleep" et "Televangelist", Julien continue de montrer que sa fragilité vocale n’est pas affectée mais découle naturellement du propos qui accompagne cet orgue grave et cette mélodie ascendante (Do I turn to light if I burn alive?). Avec "Happy To Be Here", la chanteuse parle de son sentiment d’inadéquation sur son superbe piano-guitare qui la suit fidèlement (If I could do what I want/I would become an electrician/I’d climb inside my ears/And I would rearrange the wires in my brain). Elle ne balance pas ses problèmes comme un gimmick mais elle pèse ses mots avec une lucidité folle, comme quoi BAKER ne sait pas faire de mauvaise chanson, non pas par perfectionnisme mais parce que chaque morceau lui permet de s’échapper et découle d’une nécessité (Well I heard there’s a fix for everything/Then why, then why, then why/Then why not me?).

On ne s’éloigne pas de cette exploration de la douleur, que ce soit sur le piano limpide et les cordes discrètes de "Hurt Less", sur le morceau "Even" plus sombre que jamais avec ce texte dont émane tout le poids de la culpabilité de son interprète (But you were right, I was asking for it/I always am/It’s no good if the pain doesn’t make you feel like you earned it/And I probably deserved it) ; mais aussi sur le titre "Claws In Your Back" qui referme l’album avec une ampleur plutôt inattendue. Piano et cordes se réunissent une dernière fois dans la lenteur pour un chant d’agonie et de rédemption aussi céleste que triste, une fin magnifique pour un album qui n’a pas peur de se pencher au-dessus du vide.

Turn Out The Lights est l’album de l’effondrement, celui des angoisses qui prennent toute la place quand le silence devient trop lourd. Julien BAKER ne cherche pas à enjoliver, ne dramatise jamais, elle documente simplement, avec une acuité douloureuse, cette lutte intérieure constante pour rester debout. Les mélodies, d’apparence classiques, sont en réalité sinueuses, pleines de détours discrets qui épousent les contours de ses pensées. L’instrumentation, toujours sublime — entre piano résonnant, guitares réverbérées et cordes fantomatiques — conserve une économie d’effet admirable qui fait la force de son écriture : pas besoin de crier quand tout est déjà à nu. À travers cette œuvre, Julien BAKER ne se contente pas de livrer ses failles, elle les façonne en art, et c’est précisément ce qui rend Turn Out The Lights aussi bouleversant qu’indispensable.

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   ARCHANGEL

 
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- Julien Baker (chant, guitare, orgue, piano)
- Cameron Boucher (clarinette, saxophone)
- Camille Faulkner (cordes)


1. Over
2. Appointments
3. Turn Out The Lights
4. Shadowboxing
5. Sour Breath
6. Televangelist
7. Everything To Help You Sleep
8. Happy To Be Here
9. Hurt Less
10. Even
11. Claws In Your Back



             



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