Le voilà, le dernier Analord, onzième parmi ses pairs, conclusion heureuse d’une série dédiée aux rythmes du passé. Trois heures trente de musique écoulées en à peine six mois, du jamais vu depuis la période faste de Richard D. JAMES, au début des années 90. Je pourrais jouer au commentateur lapidaire encore longtemps, si l’Analord 11 lui aussi ne méritait pas son petit bout de texte cyber-machin-truc, comme ses dix prédécesseurs. Car oui, ce dernier opus est une franche réussite, tristement oublié par la compilation Chosen Lords, peut-être parce que 11 est un nombre premier, et que personne n’aime les nombres premiers. J’en veux pour preuve que comme les tremblements de terre et les ouragans, les nombres premiers ont été fichés, classés, triés et tableautés par nos plus vifs scientifiques, et ce dans l’unique but de reconnaître cette sale engeance chiffresque quand elle surgit au détour d’une division tout ce qu’il y a de plus banale. Mais si le 11 est victime d’antipremisme, que dire alors des Analords 1, 3, 5 et 7 ? Mystère…

Bon d’accord, un titre long de 8 minutes comme « W32.Mydoom.AU@mm » (oui, toujours ces noms de virus) ne convenait peut-être pas à une compilation qui se présente avant tout comme un résumé de la série destiné à nous épargner le ratissage laborieux des onze frisbees. D’ailleurs, « Phonatacid » sur l’Analord 02 et « Lisbon Acid » sur l’Analord 07, deux titres semblables de part leur longueur à celui qui nous intéresse, n’ont pas non plus été retenus pour figurer sur Chosen Lords. Hors de toutes ces considérations sur l’art exigeant de la compilation, « W32.Mydoom.AU@mm » se révèle être un long morceau chargé de nappes de synthé oppressantes, façon « Je fais une promenade nocturne aux abords d’un château abandonné en Europe l’Est », ou encore « Je me dirige tout droit vers un cimetière sinistre d’où s’élèvent les hurlements enjoués de quelque spectre mangeur d’homme ». Pour ceux que les atmosphères bien glauques ne font même pas ciller, il y aussi : « Mon fils/fille/petit-frère/petite sœur organise son anniversaire au Mc Do. C’est moi qui surveille ». Flippant. A propos de ce premier titre, on peut aussi mentionner la relative discrétion de la boîte à rythme et une utilisation des basses à la SQUAREPUSHER, non pas en « bôôôm bôôôm bôôôm » percussif mais plutôt en « zwoooong zwooong zwoong », c’est-à-dire à la manière d’une guitare basse.

Le premier titre de la Face B, « VBS.Redlof.B », évolue dans un tout autre registre, celui du hit Analordien par excellence, véritable condensé d’Acid House dansante. « VBS.Redlof.B » joue avec les breaks et avec les introductions/disparitions de la boîte à rythme pour capter l’auditeur, jusqu’au sursaut final de tout l’attirail électronique, avec une sorte de machine à recréer un caquètement synthétique pour mener la danse.
La face B s’achève sur « Backdoor.Ranky.S », morceau Ambient divisé en deux parties digne du Selected Ambient Works Volume II, sorte de calme après la tempête pour achever l’EP et la série en beauté.

L’Analord 11 est dans la lignée de l’Analord 09, entre Acid House et IDM, avec en plus quelques touches d’Ambient héritées des premiers opus de la série. Sa diversité fait de cet ultime EP un utile résumé des différentes orientations musicales qui guident la série, un peu à la manière d’un Chosen Lords.

Titre présent sur Chosen Lords : niet.
Titres qui valent vraiment le coup : tous.