Quand on m’a annoncé que Richard D. JAMES distribuait désormais des EP inédits à l’occasion de ses concerts, la moitié du mobilier a failli passer par la fenêtre, et ma collection de cactus avec. Ah le pourri ! Juste avant Noël en plus ! Le 12 décembre 2016, les chanceux qui ont assisté à son concert à Houston ont pu repartir avec un single inédit, dont les plus habiles retrouveront la trace sur l’Internet. Six mois plus tard, il récidive en terre natale, avec un EP distribué au festival Field Day de Londres. Et les absents alors ? Ils n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer.

Tout du moins, c’est ce qu’on croyait, jusqu’à que l’artiste inaugure un nouveau site officiel à l’été. La page contient tout un tas de titres inédits issus de différentes périodes, dont l’EP du festival Field Day. Le single de Houston est toujours porté disparu, mais sa hard techno jusqu'au-boutiste ne manquera pas à grand monde. Précisons que l’EP de Londres, dans l’opération, a gagné six titres inédits qui en font un album en bonne et due forme.

La galette a été arbitrairement attribuée à AFX, ce qui est généralement le signe d’une œuvre plus expérimentale, centrée sur le rythme et les textures. L’album est en tout cas dans la droite ligne de l’EP Orphaned Deejay Selek sorti en 2015. Comme alors, on retrouve des morceaux assez difficiles qui ressemblent à de simples ébauches rythmiques. Il faut un estomac solide pour encaisser les « T03 delta t », « T47 smodge » ou « T17 Phase out +3 ». Les sonorités sont pour le moins abrasives, dans un style qui n’est pas sans rappeler l’EP Ventolin de 1995 (« T18A pole1 »), le breakcore (« T23 441 ») ou les morceaux les plus abscons d’AUTECHRE (« T08 dx1+5 »).

A côté de ça, le disque présente de vraies réussites. Le titre d’introduction est typique de l’électro de Richard D. JAMES, une danse extraterrestre qui se pare de synthés mélancoliques. Quand il veut, le Cornouaillais se révèle un mélodiste hors pair, comme sur « em2500 M253X » ou « MT1T2 olpedroom ». Parfois même, ses bizarreries font mouche. « T16.5 MADMA with nastya », avec ses synthés baveux, partage le charme désuet de la techno des années 80 et l’aspect captivant des meilleures compositions de l’artiste. La conclusion, « T69T07 stasspa+3 », triste et lancinante, est une marche de cauchemar agrémentée de bipbips incongrus du plus bel effet !

Ni bon ni mauvais, certains morceaux rallongent inutilement l’expérience. Il y a du déjà entendu, comme « MT1T1 bedroom microtune », qui semble convoquer l’éléphant du quatrième Analogue Bubblebath. Souvent, on l’impression qu’une composition donnée n’est qu’un prétexte pour réutiliser un effet rigolo jusqu’à plus soif, à l’image des réverbérations sur « T63 neotek 2h949 +3 [bonus beats]. Ce n’est jamais bien transcendant.

Que dire de cette nouvelle offrande de Richard D. JAMES ? L’écoute en est assez éprouvante, la faute à une bonne majorité de titres allant du passable à l’inécoutable. Au milieu de tout ça, il reste quand même un honnête groupe de morceaux de qualité. Seuls les fans de l’artiste iront s’y frotter, les autres attendront une sortie plus substantielle.