Quand Orphaned Deejay Selek 2006-2008 sort sous le pseudo d’AFX, en août 2015, cela fait un peu plus d’un an que Richard D. James a ouvert les portes de son coffre-fort musical. Comme si la mise en vente sauvage du LP perdu de CAUSTIC WINDOW avait réveillé le dragon endormi sur son tas d’acide. En quelques mois, ce sont plusieurs heures de musique qui ont été déversées sur internet, avec en sus la sortie d’un album studio, d’un EP et d’un single sous le pseudo d’APHEX TWIN, une première depuis 2003. Un tel déluge ne pouvait se conclure que par le retour du plus déglingué et expérimental des pseudos du maître : AFX.

On avait quitté AFX en 2005, avec la réédition du magistral Hangable Autobulb et les onze vinyles de la série Analord, résumée par la compilation Chosen Lord. Si l’on en croit le titre du présent EP, la sélection fait directement suite à cette période faste. Une preuve de plus que Richard D. James ne s’est jamais arrêté de créer, même si rien n’est sorti à la fin des années 2000 (à l’exception de The TUSS). En toute logique, certains morceaux d’Orphaned Deejay Selek portent encore la marque des expérimentations analogiques de la période Analord, en les poussant peut-être encore plus loin dans le passé.

L’EP s’ouvre par exemple sur un morceau typiquement analordien : «serge fenix Rendered 2 ». Les amateurs d’acid house retrouveront avec bonheur les synthés baveurs et les boîtes à rythmes antiques de la série de 2005. « Oberheim blacet1b » poursuit les errances du DJ cornouaillais sur les terres du TB-303, dans une veine plus mélancolique. Comme dix ans plus tôt, tous les essais analogiques d’AFX ne sont pas des coups de maître, à l’image du monotone « NEOTEKT72 ».

Ce qui fait l’originalité d’Orphaned Deejay Selek par rapport à ses prédécesseurs, c’est la présence remarquée de morceaux entièrement dédiés aux expérimentations sur le rythme et ses textures, comme si un sampler s’était glissé entre les sillons d’un Analord 12 inachevé. « Dmx acid test », « bonus EMT beats » et « r8m neotek beat » sont autant d’ébauches d’ossatures rythmiques, comme jetées là pour qu’un autre DJ les reprenne et les bricole. On sort de ces bidouillages avec une forte impression d’inachevé, sans vraiment savoir si on vient d’assister à quelque chose de génial ou si on s’est fait rouler dans la farine.

Deux compositions se démarquent des autres à la fin de l’EP : « midi pipe1c sds3time cube/klonedrm » et « simple slamming b 2 ». Sur la première, on a l’impression d’entendre l’improbable flûte synthétique que Florian Schneider-Esleben a utilisée sur les trois premiers albums de KRAFTWERK au début des années 70. Une régression à la fois inattendue et réjouissante ! Sur le second, AFX développe une rythmique empruntée à la jungle ou à la techno hardcore, histoire de renouer avec sa réputation de percussionniste fou.

Comme d’habitude chez AFX, le résultat final est un mélange déroutant entre expérimentations loufoques et lubies de collectionneur électronique. Pour les amoureux de sons étranges et de compositions imprévisibles, Orphaned Deejay Selek 2006-2008 s’offre comme un rappel agréable des meilleurs concerts de Richard D. James, quand la moitié de la salle, accourue sur la foi de la réputation de l’artiste, se demande au bout de deux minutes d’ambient ce qu’elle est venue faire dans cette galère. Comme avec Syro, on reste un peu sur sa faim, cherchant en vain l’étincelle de génie qui viendrait transformer l’originalité en évidence.