« Mysterious Traveller » réunit les meilleurs éléments de la musique de WEATHER REPORT. Du passé, il conserve le goût du mystère et de l’exploration. De l’avenir, il inaugure les couleurs tropicales et une certaine accessibilité.

Si l’ombre de VITOUS plane encore sur « American Tango », ZAWINUL l’architecte blanc et SHORTER le soliste noir assurent désormais le leadership d’un groupe partagé entre ciel et terre. L’arrivée d’Alphonso JOHNSON à la basse et à la composition éloigne encore un peu plus le combo de l’épicentre DAVIS.

Dès les premières mesures on sent que quelque chose a changé. Le son s’est modernisé. La production est particulièrement soignée, l’atmosphère spatiale, l’option planante ne sacrifiant pas l’amour du rythme. Les synthétiseurs occupent désormais une place importante et on aura rarement aussi bien utilisé l'instrument dans le jazz-rock. Chauds, organiques et sensuels, les sons de ZAWINUL frappent l'imaginaire par delà les modes.

Si WEATHER REPORT fut comparé à PINK FLOYD en raison de sa popularité, le parallèle s'étend ici à la musique : installation d’atmosphères avec peu d’éléments, pouvoir hypnotique des sons, occupation de l’espace et maîtrise du temps. La réverbération transfigure la musique qui semble être jouée en extérieur. L’ambiance est nocturne, parfois magique. « Mysterious Traveller » est un « Caravanserai » qui aurait renoncé à sa quête spirituelle pour le simple plaisir du voyage.

Piano lunaire, fender-rhodes liquide, rythmiques opulentes, basse sinueuse, saxo chatoyant ; tout ce qui fit de ce groupe le plus attachant de la scène fusion est là. « Nubian Sundance » est une transe torride où il se passe toujours quelque chose. Groove puissant, profusion de percus, de claviers et de voix... fausse improvisation méticuleusement composée, et dernière trace de « Bitches Brew » avant des lendemains plus sages. « Cucumber Slumber » et la plage titre perpétuent le funk racé de « Sweetnighter » et laissent carte blanche à un SHORTER très en verve. Passée la partie dansante, le disque livre deux moments de beauté pure. « Blackthorn Rose », dialogue passionnel entre un piano et un sax, et surtout « Scarlet Woman », qui semble entrer en communion avec les étoiles et porte la science du climat à son zénith... et certains pensent encore que jazz-rock rime avec démonstration. Seul bémol : « Jungle Book » qui a pourtant le mérite de tirer la fin du disque vers d’autres horizons, lasse par sa longueur et sa linéarité.

« Mysterious Traveller » marque l’apogée artistique de WEATHER REPORT. Il réconcilie jazz, funk, world-music et électronique sans s’éparpiller, et trouve le juste équilibre entre la danse et l’évasion. Un disque de transition qui - chose rare - se trouve aussi être le meilleur.