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 Myspace Starboard Silent Side (740)

STARBOARD SILENT SIDE - Because Our Friendship Was Meant To Sail (2009)
Par MR. AMEFORGÉE le 3 Mai 2010          Consultée 4624 fois

On a d’abord du mal à retenir leur nom. Traduit littéralement, on se heurte à un « côté silencieux de la planche des étoiles » qui ne veut pas dire grand chose. Les anagrammes possibles, « sad lesbian distorter » ou encore « nobler dead satirists » sont autant de fausses pistes destinées à embrouiller les occultistes érotomanes et les herméneutes adeptes d’Onan. Traduit avec davantage de précision, il nous faut invoquer des notions de nautique en plus de polyglottisme : Starboard Silent Side, ce serait en fait un certain « tribord silencieux » qui, sans se départir de son aura de mystère, nous oriente quelque peu : il sera question de voyage en mer, de voyage au long cours, d’aventure… Mais pas tant dans les textes que dans l’atmosphère de la musique elle-même, tout comme l’amitié évoquée dans le titre renvoie davantage au lien qui unit les membres du groupe qu’aux thèmes abordés.

On se rend déjà compte avec ce petit prélude sémantique que Starboard Silent Side a quelque chose d’insaisissable et entend résister aux tentatives de description. Qu’on ajoute ensuite que le groupe, franco-(faussement)hollandais, avec des textes écrits en anglais, chantés parfois avec un accent irlandais, a enregistré son disque dans le Vermont et a mixé le tout au Canada, et l’on aura de quoi perdre définitivement la boussole. Pourtant, Because Our Friendship Was Meant to Sail est l’un des albums les plus emballants qu’il nous a été donné d’écouter depuis des lustres.
Si l’on doit réduire de manière tout à fait imparfaite et injuste la musique du groupe, on dira que ça fait penser à du Radiohead qui aurait soudain décidé de jouer du folk-rock. La tonalité principale demeure une certaine mélancolie délicate, logée dans la voix plaintive et mesurée du chanteur et le toucher feutré de la batterie, mais les arrangements électroniques expérimentaux sont remplacés par des instruments acoustiques, guitare, mandoline, violon (indispensable), qui fleurent bon les routes de campagne et les embruns de l’océan tout proche. Les morceaux empruntent divers éléments à l’americana et à la musique celtique, qui un rythme entraînant, qui un harmonica songeur, qui des violonnades champêtres, mais ne s’y réduisent jamais, un peu comme on y irait piocher divers pièces de vêtements pour se constituer un costume original. La sensibilité du groupe, c’est vraisemblablement le rock et la pop anglo-saxonne, et l’habillage folk sert avant tout à inspirer le souffle d’errance qui porte la musique. La mélancolie d’ailleurs n’induit nulle langueur monotone, mais laisse percer par moments une forme d’élan épique tout à fait réjouissant. Certes, l’adjectif « épique » peut sembler rebutant : on l’utilise de nos jours pour désigner des productions à gros sabots qui narrent des histoires de chevalerie en carton pâte, mais il n’est pas question de lourdeur ici. Tout est suggéré et délicat. Et c’est ce qui rend l’album si enthousiasmant.

Peu importe le sujet s’il y a du style, soutenait Nabokov. Les thèmes abordés dans les chansons ont été maintes fois éprouvés, mais la qualité d’écriture et la force des formules sont tout à fait remarquables. La question de l’amour est traitée à plusieurs reprises, sous différents angles : présentée comme une force aliénante dans « You Need Verses My Galak Sea », il est ce plaisir des instants qu’on souhaiterait éternels dans « In A Den ». Le morceau, enjoué, est d’ailleurs génialement paradoxal : joué en walking bass et conclu par une impro instrumentale échevelée, il s’agit du plus bref et du plus rapide de l’album : le bonheur éternel a une durée très limitée... C’est peut-être le même narrateur qu’on retrouve dans « Four Letter Word », qui se promène désormais dans la peau un peu ridicule du romantique esseulé, sur le quai de quelque port, sous les accords du violon qui imbibe l’atmosphère de ses accents d’alcool triste ; l’amour y est de nouveau aliénant : « polysémiquement ambivalent » (la redondance n’est pas fortuite, bien sûr). Dans « Light the Choir », guitares électrifiées pour l’occasion, c’est la gourmandise du désir sexuel qui nous explose en bouche ; ah ! cette coda héroïque !
Deux morceaux adoptent une approche différente, sous forme de récit : « Runaway Clay » prend des allures de western crépusculaire, avec l’harmonica de rigueur, course poursuite d’un assassin recherché par tout un pays, joué avec lenteur, presque en apesanteur, dans une dynamique de crescendo qui monte jusqu’à la colère et cette fameuse conclusion : « la rumeur dit qu’il court toujours »… Et « Dwayne », chronique sociale à la Zola, nous raconte la vie et la déchéance du personnage susnommé, titre sur lequel plane l’ombre de Led Zeppelin, dans certains ornements de guitare comme dans son souffle ambitieux.
Il nous faudrait sans doute mentionner « Alabaster », le plus radioheadien des morceaux et « Wrong Folded Map » en forme de chute tourbillonnante, où il est encore question d’amour, de distance et d’incompréhension. Et ainsi nous aurions à peu près terminé ce passionnant tour d’horizon.

Le premier album de Starboard Silent Side est une révélation et mérite son lot de louanges ; autant de bons morceaux, c’est rare dans la production actuelle. S’il y avait une critique – qui n’en est pas tout à fait une – à formuler, ce serait peut-être de déplorer qu’on ne retrouve pas sur l’album toute l’intensité que le groupe est capable de déployer en concert : Mij, le chanteur s’y montre moins démonstratif, donne moins de la voix, chose qu’on aimerait pourtant plus fréquente sur disque, malgré certains instants clés, comme à la fin de « Runaway Clay » ou de « Dwayne ». Pour leur défense, on dira sans doute qu’on gagne en subtilité et en maîtrise ce qu’on perd en énergie brute. Peut-être que le groupe saura imprimer un peu plus de mordant rock dans son prochain album !
Avec un sens de la composition et de l’écriture déjà bien affirmé, et une marge de progression certaine, Starboard Silent Side est sans conteste un groupe à suivre, que l’on se trouve à bâbord ou à tribord, ou bien qu’on préfère la terre ferme et le plancher des vaches. Alors c’est parti, moussaillons, fermez les yeux, tendez les oreilles et déployez vos plumes, on lève l’encre !

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   (2 chroniques)



- Mij (chant, guitare, harmonica, melodica)
- Nico Desse (basse, guitare, choeur)
- Thibault (batterie, choeur)
- Buni Lenski (violon, choeur)
- Stouf (guitares, mandoline, orgue hammond, etc.)


1. Alabaster
2. You Need Verses My Galak Sea
3. In A Den
4. Little Red Plastic Crab
5. Four Letter Word
6. Runaway Clay
7. Wrong Folded Map
8. Light The Choir
9. Stalagmites
10. Dwayne
11. Reminiscence



             



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