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- Membre : The Third Eye Foundation

Matt ELLIOTT - Drinking Songs (2005)
Par MR. AMEFORGÉE le 10 Décembre 2013          Consultée 2752 fois

Le premier album de Matt Elliott sous son nom propre, The Mess We Made, opérait la transition entre l'électro de son projet précédent, The Third Eye Foundation, et une musique nettement plus intimiste, qui demeurait toutefois, et demeurera sans doute, tout aussi dysphorique. Avec ces Drinkings Songs s'ouvre une trilogie de folk sombre, subtile et originale à la fois, qui puise dans la musique slave et tzigane, mais qui développe son identité propre, son univers personnel.

La tentation de la traduction pourrait porter à confusion, les Drinking Songs ne sont pas des chansons à boire comme on l'entend d'ordinaire. Ici, l'alcool est stagnant, mélancolique, expérience introspective, à l'image de ce que suggère cette belle pochette sépia aux traits fins, signée un certain Uncle Vania (Zouravliov de son nom), où le personnage, au visage faunesque ambigu, semble pris d'une somnolence irradiée d'ivresse, non dépourvue d'inquiétude. On est plus du côté de Dostoïevski que de Patrick Sébastien. Et si les serviettes tournent, c'est parce que l'absinthe corrode les perceptions. Et puis d'ailleurs, à bien y regarder, les chansons n'ont rien à voir avec la thématique de l'alcool (il est plutôt question de guerre, de perte, de culpabilité), et en fait même, ce ne sont pas vraiment des chansons.

Matt Elliott, qui n'est pas un musicien folk à la base, utilise l'idiome de l'électro pour tisser ses morceaux. En lieu et place de l'armada synthétique des glitchs, des scratchs, des nappes, des beats et des sproutchs, voici que s'organisent des tapisseries acoustiques de lents arpèges de guitares, de lignes de violons, de notes éclatées de piano, de souffles ténus de trompettes et de chœurs lointains. Ce sont des jeux d'ambiance et de textures, servis par des mélodies égrainées, languides, presque répétitives, mais constamment soumises à d'infimes variations qui en font tout le précieux. Travail instrumental d'orfèvre, qui ne laisse que très peu de place au chant, qui d'ailleurs, lorsqu'il survient, est comme chuchoté. Il ne faudrait pas réveiller les fantômes d'enfants qui dorment dans la chambre du mausolée d'à côté.

Le tout premier morceau, « C.F. Bundy », qui dure plus de neuf minutes, et purement instrumental, est le parfait prototype de ce que je viens d'énoncer. C'est au cœur de l'album que se situent les perles, « The Guilty Party » et sa très belle mélodie, toute en ciselures, « Whats Wrong » (sic) avec son tempo de valse presque mais pas totalement enjoué et ses appels d'air vocaux frissonnants, « The Kursk » qui nous narre l'effroyable et inexorable agonie d'un sous-marin en train de couler. Sur chaque titre, la tristesse est là, sans effets d'emphase, et cela ne fonctionne que mieux. « A Waste of Blood » s'ouvre sur une très belle mélodie chantée, lointaine nièce du Across the Universe beatlesien, mais se trouve malheureusement salopé sur la longueur par des effets électroniques, voix trafiquées notamment, qui malmènent quelque peu la cohérence d'ensemble.
De la même façon, « The Maid We Messed », au nom qui fait contrepèterie avec le titre de l'album précédent, est un morceau à part, entendu par l'artiste pour être un bonus-track (de vingt minutes tout de même), comme un adieu (provisoire) à The Third Eye Foundation. Le début acoustique laisse bientôt place à un déferlement drum'n'bass épique à l'issue duquel il ne restera que lambeaux, chapelures de saturation, désolation. Une espèce de chevauchée apocalyptique steampunk.

De la trilogie, Drinking Songs est l'album que j'aime le moins, peut-être à cause du manque d'homogénéité qu'on y trouve encore, pourtant cela demeure du grand art. Fin, envoûtant, dépressif mais suffisamment riche en détails. On pourrait le qualifier de dark-post-folk progressif à tendance tzigano-ambient, mais en fait, c'est tout simplement du Matt Elliott. La suite creuse la veine, tout en évoluant. Je ne sais pas vous, mais je me resservirais bien un verre.

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Matt Elliott (tout)


1. C.f. Bundy
2. Trying To Explain
3. The Guilty Party
4. Whats Wrong
5. The Kursk
6. What The Fuck I Am Doing On The Battlefield
7. A Waste Of Blood
8. The Maid We Messed



             



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