Chroniquer un best of de la MANO NEGRA me semblait au départ d’une utilité limitée, d’autant plus que l’ensemble de la discographie du groupe est déjà présente sur le site. Mais pour ma défense, il vous faudra reconnaître que Best Of est bien plus qu’un simple… best of, et qu’il est pour moi devenu un disque essentiel de la scène rock alternative française. Cela peut paraître assez déplacé de dire à propos d’une compilation, mais vous n’auriez qu’à constater par vous-même en fin de chronique, et accessoirement venir vous plaindre, en disant que non, ce best of n’a rien d’exceptionnel. Ce dernier est en réalité une réédition d’une première compilation sortie en 1998 (qui s’était d’ailleurs placé en tête des charts à l’époque, remasterisée et doublée d’inédits live.

Pour le premier disque, il n’y à première vue, aucune surprise. Tous les grands classiques du groupe sont présents. Cependant, ce que j’ai trouvé particulièrement intelligent, c’est que la MANO NEGRA a choisi de remplacer certaines chansons studios par leurs versions live issues de l’album In the Hell of Patchinko. « Indios de Barcelona » et « Mad Man’s Dead », un peu poussives à l’origine, sont alors montrées sous leur aspect le plus incisif. Le groupe ne balance pas ses morceaux au hasard, ces derniers sont placés dans un ordre bien précis et habilement recherché. Si l’éclectisme de la MANO NEGRA est mis en avant, il ne déstabilisera cependant pas l’auditeur novice, qui se laissera entraîner par cette compilation efficace. Quelques inédits viennent se glisser en fin de disque : « Long Long Nite », morceau reposant et chaleureux, que j’affectionne tout particulièrement, le surprenant « On Telefon », sorte de blues électrique, énergique et amer, sentant bon les cendriers pleins et les verres vides, ainsi que la nouvelle version d'« Out of Time Man », tout juste sortie, d’une qualité égale à l’originale, dans un registre différent néanmoins.

Le deuxième disque est une véritable grotte aux trésors, car composé de morceaux live totalement inédits, pour la plupart enregistrés en 1991. Au travers de 16 morceaux, on se souviendra de ce qu’était réellement la MANO NEGRA en concert, quelle dimension elle pouvait donner au morceau le plus banal. On retrouvera avec plaisir les petits jams de percussions de Santi Casariego et Philippe Teboul, ainsi que les inédits « County Line » et « Junky Beat », que le groupe ne jouait d’ailleurs que sur scène. Une pépite brille plus que les autres : « Salga la Luna », complétement revisitée sur des airs orientaux, atteignant des sommets de beauté inégalée dans l’ensemble de la carrière du groupe français. La qualité n’est malheureusement pas irréprochable, et certains morceaux ne disposent que d’un son vraiment très moyen (« Killin’ Rats », « Welcome in Occident »).

Pour ceux qui ne connaissent la MANO NEGRA que par l’intermédiaire de la Negra Bouch’ Beat des Inconnus ou du malheureux pétage de câble du claviériste Thomas Darnal à la télévision argentine, je leur conseille d’écouter cette fantastique compilation, qui prouvera une fois pour toute que la MANO NEGRA était bien un des groupes les plus talentueux de la scène française à son époque. Je le conseille à toute personne souhaitant commencer avec le groupe, car il est vrai que les albums pourraient en désarmer plus d’un au premier abord. À se procurer d’urgence donc.