Julien ! Tu m’énerves. Tu nous avais laissé avec un Ersatz éclectique et prometteur, et à l’écoute de Bichon j’ai bien peur que chez toi la posture soit plus importante que la musique.

Ah, pour faire le fanfaron, cultiver le cinquième degré et adopter des attitudes décalées, y a du monde. Et ça invite Yvette Horner sur un titre, et ça intitule son album Bichon, et ça cultive l’humour dandy dans les notes du livret…

Alors c’est quoi ton objectif, gamin ? Susciter les commentaires amusés et gentiment admiratifs du cercle des médias branchés ? Faire la couv’ de Technikart et des Inrocks qui vont se gargariser de ce formidable titre et de son absurdité géniââle ? Un pronostic pour ton prochain album, allez : un trio avec Mireille Matthieu et Nana Mouskouri, une chanson dont les paroles seront co-écrites avec Bernard Menez, un solo de clarinette de Christian Morin, sur un disque qui s’intitulera « Tournevis Cruciforme ». Les bobos vont se l’arracher, en bénissant ce nouveau Philippe KATERINE.

Et l’ambition musicale, elle est où ?

Bien sûr que c’est pour ça que je suis énervé ! Tes morceaux sont pas mal, ton talent pour la mélodie et le couplet sont là comme pour l’album précédent, et avec Renaud Letang dans le studio, forcément c’est bien enregistré, c’est de la variété haut-de-gamme… mais de la variété, quoi. Désolé, mais entre tes hurlements de dingue et tes reprises déjantées en prime time de Nouvelle Star, et des morceaux comme « Pudding Morphina » ou « Piano Lys » sur Ersatz, on était en droit d’avoir des attentes de moments couillus, assez rock… Je t’ai vu en concert il y a deux ans, et il y a clairement, derrière le mec intelligent et décalé, un sorcier vaudou plein de testostérone. Alors pourquoi un album de belle variétoche, bordel ? J’ai été sympa avec le premier disque, mais au deuxième je suis intraitable. Mets-toi à ma place ! Des gens qui font de la 'chanson', en France, tu secoues l’arbre il en tombe mille. Pour un BASHUNG, combien de PAGNY ? Pour un MURAT, combien de CALOGERO ?

Ah, tu veux faire du GAINSBOURG ? C’est vrai, sur « Golf Bonjovi », on a l’impression que le fantôme de Serge va surgir et murmurer "les ailes de la Rolls effleuraient les pylônes", comme sur l’immense Melody Nelson. C’est là toute la différence entre… une Rolls et une Golf Bonjovi. Entre les arrangements magnifiques de Jean-Claude Vannier et une chanson qui se contente d’imiter, sans miser sur la qualité des musiciens. Le morceau avec Yvette Horner est totalement anecdotique, ce qui confirme que tu as invité la dame juste pour le geste marketing, et non pour un moment où l’accordéon aurait un sens particulier, une beauté inattendue.

Je relève un sourcil sur « Vitriol » qui mord l’oreille avec plus de densité et une ambiance tendue, des basses robotiques, ou sur « Laisse Avril », plus serrée, urgente… mais tout sent trop le synthé et la boîte à rythmes (aussi bien arrangés soient-ils), alors que franchement, Julien, t’es un mec qui pourrait devenir grand au milieu de guitares franches, de batteries brutes, de claviers fous. Oui, tu pourrais Dig up Elvis, comme le nom de ton premier groupe, et envoyer la sauce avec moins de calcul.

Tu réussis à m’avoir sur le planant « BB Baleine » mais c’est peut-être la mère Hardy qui m’enchante. Et « Baie des Anges » dont les arrangements charrient une beauté triste qui a fini par me conquérir. C’est bien peu, mais tu t’en fous : tu vas faire le mariole sur Canal+ avec une chorégraphie kitsch. Ton rêve, finalement… Dommage.