LØVE de Julien Doré parle d'amour, et puis c'est tout.

Si l'exercice peut paraître aussi banal qu'ambitieux, c'est une sincérité toute particulière qui se dégage de ce dernier album. Ici aucune posture, peu d'exubérance et une véritable sensibilité, tout en retenue. Sans doute ce que l'on attendait de l'artiste dont l'imagination et la créativité débordantes avaient rendu quelque peu disparates et inégaux les deux précédents albums. La force de Julien Doré sur son troisième, c'est de parvenir à chanter sans pathétisme et avec grâce – notamment sur le sublime « Mon apache » écrit par un certain Arman Méliès - le manque, l'absence et le souvenir d'une moitié qui semble ne plus l'aimer.
Aussi, et c'est sans doute là que réside une des grandes qualités du disque, c'est qu'aucun des morceaux qui le composent ne semblent se suffire à lui même et que chacun exige à sa manière une empathie, une identification finalement inéluctable de l'auditeur et, comme dans toutes les grandes œuvres d'artistes qui ont célébré l'amour avant lui, il apparaît impossible de ne pas avoir en tête à l'écoute des quatorze tubes de LØVE le souvenir de celui ou celle qui nous a manqué, qui nous manque et qui nous manquera. Le premier pari, a priori gonflé est réussi...

Cependant, limiter l'album à sa seule dimension évocatrice c'est oublier l'aspect véritablement tubesque qui le caractérise. Ainsi, du premier au dernier morceau, c'est en fait une pluie de singles oscillant entre pop funky – « Chou Wasabi », « London Nous aime » - , ballades aux tonalités naïves - « Heaven », « Balto », « Mémories » - et complaintes propres au désarroi amoureux – la violente « Corbeau Blanc » - qui se succèdent sans temps mort et qui prennent vie grâce à la voix maîtrisée de Doré soutenue par des chœurs et des arrangements qui donnent à l'ensemble de l'album une réelle cohésion.
Le chanteur propose une ambiance musicale finalement très homogène malgré la variation des breaks, des tempos et des mélodies savamment agencée pour ne pas provoquer une surabondance de tubes taillés pour la radio parfois indigeste. En ce sens, l'enchaînement de ces derniers est parfaitement calculé : la soul apaisée de « Habemus Papaye » qui vient succéder à l'hymne lancinant qu'est « Paris-Seychelles » single imparable, ou encore « Platini », éloge atypique et délicat idéalement placé en milieu de course entre les deux morceaux funky de l'album.
C'est sans doute dans cette homogénéité qu'on relèvera la faiblesse de LØVE qui sonne parfois trop parfaitement, comme si la musique de Doré était conditionnée par une structure du tube à la prévisibilité lassante qui rendrait le tout finalement aseptisé, à l'instar du single « On attendra l'hiver » qui reste enfermé dans un refrain trop évident et rébarbatif.

Mais Doré a de la réserve. C'est grâce à son talent de mélodiste qui entraîne cet enchaînement de singles que le chanteur remporte son deuxième pari encore plus périlleux. L'album parvient en fait à s'adapter à l'auditeur, gourmand de refrains qu'il aura retenus dès la première écoute et qu'il pourra s'amuser à chanter en omettant la tristesse - parfois désinvolte sur « Hotel Thérèse » par exemple- de celui qui les chantent. Ici, la forme peut l'emporter sur le fond comme le fond peut l'emporter sur la forme. Le coup de force du chanteur est d'avoir réussi à pondre un album où la musique est à la fois au service de l'amour et l'amour au service de la musique comme l'illustre si bien l'inénarrable « Platini ».

Ce troisième album est donc une réussite et possède des qualités indéniables d'écriture et d'arrangement. En outre, si le thème de la douleur amoureuse semble avoir été au cœur de son processus de composition, la musique ne se trouve jamais sacrifiée au profit de ce dernier et c'est donc un brillant équilibre artistique et musical qui en découle.
Finalement, LØVE de Julien Doré parle d'amour certes, mais pas seulement.