Sammy Hagar s'épanche beaucoup sur CHICKENFOOT. Comme si pour se convaincre du bien-fondé de cette entreprise, il lui fallait en parler plus que de raison. Le besoin de communication ne s'est pourtant pas fait grandement ressentir . Avec un line-up réunissant l'ex-chanteur de Van Halen, son comparse bassiste Michael Anthony, le légendaire guitariste Joe Satriani et le batteur des Red Hot Chili Peppers Chad Smith, les voix n'ont pas mis longtemps à crier au miracle, et à évoquer le terme de supergroupe pour qualifier cette formation auteure d'un premier album unanimement salué en 2009.

Avec force de déclarations, Hagar se fait le porte-voix auto-proclamé d'un groupe qui « joue pour le fun », avec une « alchimie tellement intense qu'elle relève de la magie ». De leur côté, ses camarades de jeu, plus mesurés, évoquent simplement le plaisir de se retrouver dans un groupe dédié au rock dur, dans lequel les prises de tête se font absentes. Un plaisir de jouer qui s'est ressenti à l'écoute de ce premier album fort sympathique. Après tout, ce n'est pas si souvent que Satriani balance des riffs enragés en secouant d'avant en arrière sa caboche glabre.

Dans l'attente d'un deuxième album prévu pour septembre, et humoristiquement intitulé III, CHICKENFOOT se rappelle à notre bon souvenir avec un single en guise d'amuse-bouche. Une nouvelle fois, Hagar, qui a visiblement abusé de sa Tequila Cabo Wabo, qu'il produit depuis quelques années, ne tarit pas de louanges, précisant même que ce futur album est le meilleur qu'il ait enregistré dans sa pourtant féconde carrière. Si c'est le cas, III doit alors être, espérons-le, d'un niveau largement supérieur à ce « Big foot » à l'intérêt tout de même limité. C'est sûr, le feeling est là, bien la. La cohésion des musiciens ne laisse aucunement douter du fait que nous avons ici affaire à un vrai groupe, et non à l'assemblage hasardeux de quatre personnalités incompatibles. Ces quatre talents associés proposent ici un titre hard bluesy, à mi-chemin entre Van Halen et Led Zeppelin. Une pièce mordante, sur laquelle chacun (à l'exception peut-être de Chad Smith) apporte réellement une pierre à l'édifice. Satriani, qui sort une nouvelle fois le gros riff qui tâche et le solo adéquat, technique sans être pompeux. Michael Anthony, dont les harmonies vocales (plus que son jeu de basse) laissent à penser qu'il reste grandement sous-utilisé dans cette formation, et bien sûr Sammy Hagar, dont la puissance vocale prouve qu'à 64 printemps le blondinet est encore capable de botter des paires de fesses.

« Big foot » est un titre sympathique, parfaitement adapté à un trajet en Camaro, la banane au vent et une Bud à la main. Rien de plus, mais c'est déjà pas mal. L'ivresse de vivre, l'hédonisme assumé. « I got both hands on the wheel / And my big foot on the gas ». Le coup de la comparaison entre l'urgence de s'épanouir et un bolide lancé à toute allure sur les routes des grandes plaines du Nevada, Hagar nous a déjà fait le coup sur l'excellent titre « I can't drive 55 » et sur a peu près chacun de ses albums solo. Rien de révolutionnaire ni de bien jouissif en soi donc. Passé le plaisir de découvrir un nouveau titre des CHICKENFOOT, reste la légère déception d'avoir affaire à un morceau passe-partout, bien en deçà des espoirs générés par les effets d'annonce du chanteur. Surtout que, sur le continent à côté, Glenn Hughes et son all-star band à lui, Black Country Communion (Jason Bonham, Derek Sherinian, Joe Bonamassa), viennent de pondre un deuxième album à vous arracher les implants capillaires.

Malgré tout, ne boudons pas notre plaisir. « Big foot » reste un titre sympathique, et III sera sans doute un bon album. CHICKENFOOT est un supergroupe, c'est certain. Un super groupe ? Cela reste encore à vérifier.