Vous connaissez sans doute ce sentiment de la « bonne surprise », qui vous redonne foi en un groupe et vous barre le visage d'un large sourire ? Entre scepticisme et admiration béate, la découverte de ce nouveau CHICKENFOOT constitue en soi une excellente surprise. Après un sympathique premier album au succès commercial proportionnel à sa vacuité artistique, les déclarations tapageuses d'un Sammy Hagar survolté et trop enthousiaste pour être sincère, puis la sortie d'un nouveau single à la durée de vie résolument courte, l'avenir de ce super-groupe ne semblait pas radieux. Sauf que... sauf que III marque une réelle amélioration dans la musique d'un groupe dont les membres semblent résolument enclins à mêler plaisir et qualité artistique.

Rien de bien révolutionnaire pourtant à l'écoute du titre d'ouverture. Juste un très bon brûlot blues/rock au refrain imparable, qui témoigne d'une rythmique en place, d'une guitare ambitieuse (Joe Satriani s'éclate, c'est certain) et un Sammy Hagar dont les capacités vocales sont intactes. Malgré ses 64 piges au compteur, le bonhomme dégage un feeling rock et dispose d'un coffre que peu (à l'exception peut-être de David Coverdale ?) sont encore à même d'égaler. Le saxagénaire est bel et bien la star de cet album, et efface en un clin d'œil toutes les critiques qui ont pu être formulées à son encontre par le passé.

L'album, quant à lui, se déroule sans encombre ni anicroche, et plusieurs de ses compositions font mouche sans forcer. On pense notamment à « Different devil », petite sucrerie hard mélodique aux intonations country, qui n'aurait pas dépareillé sur un album solo du chanteur. L'énergique « Lighten up », introduite pas des claviers imposants, aurait pour sa part fait le bonheur de Van Halen, grâce à un feeling roots et un refrain irrésistible. Alors que la power-ballad « Come closer » constitue un ralentissement de tempo bienvenu (décidément, les pontes du rock ne s'économisent pas), on se dit que CHICKENFOOT a mûri très rapidement, et offre ici un réel travail de groupe, même si l'omniprésence de Hagar, tant au niveau de la participation que des influences, tire nécessairement la couverture vers le blondinet frisé. Il faut dire que celui-ci réalise une prestation de haute volée. Pour preuve, il suffit d'écouter le titre « Three and a half letters », probablement le morceau le plus réussi de l'album : à une introduction funky succède un titre enragé, sur lequel le chanteur crache toute sa colère. La colère d'une nation sur le déclin, qui ne sait que faire de ses militaires vétérans, de ses chômeurs et de ses sans-abris. La musique, tout comme le chant, est rugueuse et vindicative, grâce à un Joe Satriani mettant son talent au service d'un morceau moderne et tout simplement magnifique.

L'album se clôt sur des intonations funk et bluesy (« Dubai blues »), et lorgnant vers les années 70 (la ballade « Something going wrong »). Pas de quoi crier au miracle, mais force est de reconnaître que CHICKENFOOT signe ici un album inspiré et réussi, largement supérieur à son premier effort. Une « bonne surprise » qui confirme le bien-fondé de l'association complémentaire et efficace de ces quatre talents qui, espérons-le, continueront leur fusion vers un hard rock classieux et abouti. Pour proposer, la prochaine fois, un sans-faute ?