Après un voyage initiatique à Londres et un deuxième album rageur, la Deutsch-Amerikanische Freundschaft, désormais abrégée en D.A.F., effectue sa grande mue. Le groupe de Düsseldorf n’est désormais plus qu’un duo après les départs de Chrislo HAAS et Wolfgang SPIELMANS. A partir de 1981, le tandem DELGADO-LOPEZ/GÖRL abandonne toutes velléités punks pour se recentrer sur la musique électronique. Un chanteur, un batteur, un séquenceur et le génial Conny PLANK à la production : D.A.F. a trouvé sa formule magique.

A des années lumières de la virulence de Die Kleinen und die Bösen, Alles ist gut est un album résolument sensuel et minimaliste jusqu’à l’excès. Les torses dénudés et mouillés de transpiration de Gabi et Robert donnent le ton au recto et au verso du vinyle : D.A.F. aime jouer avec l’homosexualité, tant pis pour l’Allemagne puritaine. Autre torpille adressée à la retenue et au bon goût, le single « Der Mussolini » a tôt fait de liguer les honnêtes gens contre le duo provocateur. Jugez plutôt d’après les paroles : « Lève-toi et frappe dans tes mains. Bouge les hanches et danse le Mussolini. Danse le Mussolini. Deux pas à droite et frappe dans tes mains. Et imite Adolf Hitler, danse le Adolf Hitler, danse le Adolf Hitler ! Et encore le Mussolini ! Bouge ton cul, bouge ton cul, frappe dans tes mains et danse le Jésus Christ ! ». Le tout sur un rythme ravageur de Robert GÖRL, qui va faire de « Der Mussolini » et de ses couinements orgasmiques un classique des boîtes de nuit allemandes.

Le second single de l’album évolue dans un tout autre registre. « Der Räuber und der Prinz », avec sa mélodie naïve au synthé, évoque tout aussi naïvement les amours homosexuels d’un voleur et d’un prince. Seuls les chuchotements inquiétants de Gabi rattachent cette bluette à l’univers malsain de D.A.F. Du sexe encore sur « Rote Lippen », où une grosse voix est entrecoupée de gémissements peu catholiques. Mais le zizi d’or revient sans conteste à « Mein Herz macht burn » ou le va-et-vient est illustré par une rythmique ultra simple, tandis que le chanteur s’inscrit en précurseur des cris lascifs d’un Gustavo Kuerten en fond de court. Dommage que le cocktail aphrodisiaque soit dilué à force d’être repris sur tous les morceaux ; c’est sans doute la seule faiblesse d’Alles ist gut.

D.A.F., ce n’est pas non plus que du cul, non mais ! Le nouveau son concocté par PLANK le magicien va devenir une véritable référence de l’électronique allemande, voire européenne. La froide Electronic Body Music (EBM) de FRONT 242 doit beaucoup à l’esthétique ambiguë de D.A.F. ; et que dire de la techno allemande, qui s’est rangé derrière le minimalisme d’Alles ist gut sans hésiter. La dance enfin, doit énormément aux textes impératifs de DELGADO-LOPEZ, dont elle n’a presque jamais compris le caractère subversif. Maintenant vous saurez que les tubes eurodance des années 90 doivent tout à une parodie du fascisme et de ses ordres aboyés (cf. « Verlier nicht den Kopf » et « Alle gegen Alle » en particulier), ce qui ne manque pas de sel.

Premier album de la trilogie sexe et cuir moulant de D.A.F., Alles ist gut en est aussi le meilleur représentant. Du très SM « Sato-Sato » à l’érotisme mécanique de « As wär’s das letzte Mal », il y en a pour tout les goûts. Quatre ans avant SCORPIONS et les baisers tendres de « Still Loving You », D.A.F. chantait déjà le sexe facile et la sueur qui dégouline. C’est beau, une grande nation qui fait tendre tous ses membres vers un même but.