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1997 Le Jour Du Poisson
1999 Qu4tre

Thomas FERSEN - Le Jour Du Poisson (1997)
Par LARZAC le 22 Février 2012          Consultée 3351 fois

Étrange image que celle qui illustre la pochette de ce troisième album de Thomas Fersen. Un jeune homme, l'artiste en question, élégamment vêtu d'un complet marron le faisant tout droit sortir du Paris d'Amélie Poulain, contemple d'un air négligé, oscillant entre dédain et vague affection, un poisson à l'œil vitreux glissé dans la poche de sa veste. De quoi faire écho à une autre image du même individu, entrevue sur la pochette du précédent album. Cette fois, il y apparaissait plus pâle, moins bien rasé, le cheveu poivre et sel, également flanqué d'un animal : un petit lapin albinos chétif et apeuré, maladroitement agrippé à son épaule. De quoi également annoncer la pochette d'un album qui paraitra plus tard, son cinquième, où notre même ami, toujours, se voyait cette fois affublé d'une hideuse tête de cochon probablement négociée à bas coût dans la plus proche boucherie du 20e arrondissement... Bref, notre Parisien aime les animaux, et pas n'importe lesquels : inutile d'attendre que ne figurent à ses côtés un lion majestueux ou un fougueux berger allemand. Thomas Fersen se fait le troubadour des parias et marginaux de toutes sortes, et il annonce la couleur sur ses excentriques pochettes.

Le Jour du Poisson est un joyeux bestiaire que l'on glisse dans le lecteur de disques comme on ouvrirait un recueil de contes ou de fables. Un cheval nommé Bucéphale, des nuées de papillons et une horripilante blatte y entrainent dans leur ronde poissons et oiseaux, ours et gazelles, chats et souris, loups et gorilles, belettes et rats, cloportes et mites... Une sympathique compagnie toujours prétexte à des histoires légères, drôles et souvent touchantes. De fait, l'ambiance qui se dégage de cet album est homogène: quoique passant par des émotions différentes, on s'y sent toujours à l'aise, et on écoute, le sourire aux lèvres, les croustillantes situations que nous raconte le chanteur à la voix éraillée. Et il en va de même pour la qualité générale, assurée de bout en bout, même si certains titres très accrocheurs (« Bucéphale », « Bijou », « La blatte ») relèguent au second plan une ou deux chansons plus anecdotiques (« Ma douceur », « Moi qui me croyais un saint »).

Ce qui rend cet album très sympathique, finalement, c'est le côté « loser » qu'endosse visiblement avec entrain Thomas Fersen. On peut se demander si, en campant ses personnages, il s'incarne réellement dedans. Mais de toute évidence, celui qui a dû faire face dans sa jeunesse à des situations précaires et instables semble bien connaître les lendemains de cuite douloureux, les amours impossibles et les moments absurdes lors desquels arpenter tout Paris devient une véritable quête, dans le seul but de trouver des fleurs (un lundi soir, après minuit, non mais tout de même!) On suit ainsi cette drôle de pérégrination dans la chanson éponyme, dont la chute est des plus cocasses. « Bucéphale » nous entraine quant à elle sur les champs de course, milieu de requins « encravatés », le cigare aux lèvres, parmi lesquels dénote totalement un pauvre hère, fumant nerveusement « clope sur clope » dans l'espoir que son canasson lui amène la fortune qui lui fait défaut. Avec « Les papillons », on accompagne de jeunes appelés au service militaire lors d'une fugace escapade nocturne, tandis qu'à l'écoute de « La blatte », les insomnies nous prendront comme au cours d'une longue nuit passée dans un hôtel... miteux. Avec « Les tours d'horloge » et « Je suis dev'nue la bonne », c'est le thème des amours déçus qui est abordé, mais toujours avec un minimum de légèreté, beaucoup de tendresse, et surtout jamais de sentiments à l'eau de rose. « Bijou », le meilleur titre de l'album selon moi, dépeint quant à lui la catastrophique, quoique tendre relation entre une volubile jeune femme, véritable ouragan, et un type quelque peu recroquevillé dans sa p'tite vie bien peinarde. Thomas Fersen parle d'amour et de camaraderie, de séparations et de retrouvailles, de petits verres sifflés ça-et-là et de cibiches fumées d'un air désabusé, et... C'est tout. Pas besoin d'aller vraiment plus loin finalement. Les tracasseries du quotidien et les instants de bonheur fugitivement volés trouvent en Thomas Fersen leur parfait conteur, comme si, dans l'esprit de l'artiste, tout n'était que cliché instantané et éphémère.

Il faut dire que techniquement, l'artiste a trouvé la recette pour soutenir sa formidable imagination et son esprit empli de rêves. Sa voix déjà, marque par son caractère rauque et éraillé: un timbre de fumeur invétéré (on écoutera ainsi en particulier « Moi qui me croyais un saint »), probablement quelque peu poussé par l'intéressé lorsque l'envie le prend. Autre point essentiel, les textes. Une créativité généreuse, des mots pesés, de fines allusions, et surtout un sens de la rime tout à fait excellent: autant de qualités qui font de Thomas Fersen un des grands paroliers de la chanson française actuelle. Enfin, le tout est soutenu par des compositions musicales très recherchées, et variées. C'est au groupe de musique tzigane Bratsch que Thomas Fersen a fait appel pour ouvrir son album, avec le très enjoué « Bucéphale ». Ambiance beaucoup plus feutrée ensuite, sur un « Ma douceur » légèrement jazzy. Avec « Que l'on est bête », on retrouve des sonorités d'Europe de l'est dans le violon de Didier Lockwood et l'accordéon de Richard Galliano. Sur « La blatte », le registre est davantage folk, notamment grâce au jeu de Pierre Sangra, guitariste et fidèle compère de Thomas Fersen. Le fil de « Bijou » se déroule quant à lui sur des rythmes chaleureux de salsa, tandis que l'album se clôt sur la valse musette de « Je suis dev'nue la Bonne ». Et il n'est qu'à écouter les longues conclusions instrumentales de plusieurs chansons (« Moi qui me croyais un saint », « Pickpocket », « Je suis dev'nue la bonne ») pour comprendre que Thomas Fersen a voulu mettre sur un pied d'égalité musique et paroles, et soutenir largement ces dernières par des arrangements travaillés (ceux de Joseph Racaille, pour la plupart).

Après deux albums plutôt moyens, quoique l'ayant consacré aux yeux du grand public dès 1993 avec Le Bal des Oiseaux, et recelant néanmoins quelques sympathiques titres, Thomas Fersen s'affirme donc réellement sur la scène française. Le Jour du Poisson, album agréable d'écoute et très riche sur tous les plans, lui permet de toute évidence de développer une voix et un style plus atypique, qui lui forgent une identité forte, mais dont il saura se défaire par la suite pour découvrir de nouveaux sentiers.

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   LARZAC

 
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1. Bucéphale
2. Ma Douceur
3. Les Papillons
4. Que L'on Est Bête
5. Moi Qui Me Croyais Un Saint
6. La Blatte
7. Pickpocket
8. Bijou
9. Les Tours D'horloge
10. Où Trouver Des Fleurs Un Lundi Soir Après Minuit?
11. Je Suis Dev'nue La Bonne



             



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