Aux origines de cette histoire, il y a sans doute Sam, l’aîné de la fratrie Burguière qui s’est installé dans la région biterroise. Par là-bas, la scène occitane est particulièrement vivace et l’on constate au fil de leurs productions que les OGRES DE BARBACK entrent petit à petit en contact avec plusieurs collectifs de cette obédience. Dans ce milieu, Le BAL BROTTO LOPEZ est un nom qui compte. Duo trad' composé de Cyril Brotto (principalement à l’accordéon) et de Guillaume Lopez (au chant ou aux vents) ; sacrés ambianceurs de balèti. Les deux compères ont par ailleurs moult projets parallèles, dont la Cie GUILLAUME LOPEZ dans lequel a joué… Sam Burguière. Un premier contact discographique avec les OGRES eût lieu sur Comment je suis devenu voyageur, l’excellent album de 2011, où l’on retrouvait "Cœur arrangé". Ce morceau, leur première collaboration, fut retravaillé quelques années plus tard pour le disque de BROTTO LOPEZ Adiu Miladiu. C’est cette version qui ouvre l’enregistrement dont nous allons maintenant parler.

Après leur tournée des 20 ans et avant de remettre en route Un air deux familles, les OGRES s’embarquent dans une excursion en milieu trad' avec Brotto Lopez. C’est en prélude à la reprise de ce spectacle deux ans plus tard que ce live parait, souvenir des concerts de 2016 avant ceux de 2018. Un peu comme avec les HURLEMENTS D’LEO, l’idée est de partager la scène et les répertoires des deux groupes tout en ajoutant quelques nouveaux morceaux écrits ensemble. De mixer les styles des deux collectifs pour trouver celui du troisième qu’ils forment ensemble. Cela donne l’album le plus dansant des OGRES. Bourrées, mazurkas et autres rondes du Quercy sont de sorties, dont un ou deux purs classiques du genre - chose incontournable pour tout bal trad' qui se respecte.

Les quelques morceaux des OGRES DE BARBACK que l’on retrouve ici sont soit des titres du dernier album, soit des morceaux moins présents sur les autres lives du groupe. Ils sont tous enrichis par la présence des deux autres musiciens, au niveau de l’instrumentation mais aussi du chant. Guillaume LOPEZ pique bien souvent des couplets à Frédo, revisitant certains textes en occitan (ou parfois en espagnol). Comme sur le spectacle précédent où ils avaient appris à chanter en dialectes béninois, les quatre frères et sœurs se sont entraînés à la langue des troubadours et ils s’en sortent fort bien. Ce mélange des genres entre un groupe venant de la ville et le duo portant haut une culture bien plus rurale contribue grandement à la richesse de l’album. C’est déjà ce que nous dit son titre, mais aussi la savoureuse chanson "Mon pays" que les six musiciens ont écrite ensemble, salade de cultures urbaines et campagnardes.

De même que le BAL BROTTO LOPEZ se fond et s’ajoute aux chansons des OGRES, les OGRES DE BARBACK amènent leur touche sur les morceaux de leurs deux acolytes. L’appropriation du répertoire des autres est une vraie réussite de ce live. Ce sont de nouvelles façons de voir ces ouvrages, parfois avec des atours que l’on n’aurait pas forcément attendus dans cet alliage chanson/trad'. Le collectif ne rechigne pas à sortir de temps à autres des instruments qui n’ont rien de traditionnel (des guitares électriques ou un thérémine) pour amener des touches rock ou même électro s’agglomérant fort bien aux sonorités folkloriques. Egalement, si tu es flûtiste, tu trouveras ici de quoi t’intéresser, tant cet instrument est très fréquemment utilisé, dans de nombreux registres par surcroît. Les maîtres du bal défendent ainsi une musique fière de ses origines sans être enfermée dans le passé, qui est au contraire pleinement actuelle et sans doute même promise à un bel avenir.

Ils y ajoutent quelques morceaux de leur cru, composés spécialement pour l’occasion. "Toi jamais", avec la suite instrumentale, dans lequel il s’insère, est ainsi un moment très efficace de l’album, fort bien construit autour de plusieurs idées originales. On y retrouve l’art ogresque de jongler avec tout un tas d’instruments en quelques minutes, autour d’un texte plutôt bien écrit et amusant. Une chose s’entend très bien : le plaisir des musiciens à jouer ensemble, même lorsqu'ils se font très sérieux (sur la reprise d’Allain LEPREST par exemple). Cette joie somme toute intérieure se ressent parfaitement, amplifiée par l’énergie du public. Elle devient le souffle qui tend ce disque comme une voile, qui lui donne sa singularité, le démarquant de tous les autres lives de la fratrie. Quercy-Pontoise est bien l’un des albums les plus étonnants des OGRES, toujours enchantés de découvrir encore de nouveaux terrains de jeux.