Panique Celtique de MANAU, au même titre que le premier album de Louise Attaque ou Essence Ordinaire de Zebda, évoque encore aujourd'hui de délectables souvenirs adolescents. En cette deuxième moitié des années 90, les artistes français se font suffisamment novateurs et peu conventionnels pour séduire une jeunesse qui ne tarda pas à épouser corps et âmes ces artistes aux allures de souffle nouveau. MANAU, avec son rap celtique à la fois accessible et intelligent, avait frappé fort, très fort. Et puis, le groupe s'étiola, ne parvenant pas sur Fest Noz de Paname à confirmer les espoirs placés en lui, et effectuant un timide retour en 2005, avec un On Peut Tous Rêver sorti dans l'indifférence générale. 13 ans après Panique Celtique, Martial Tricoche, désormais seul à la barre du groupe, décide de remettre le couvert en proposant une suite audacieuse. Si le pari est risqué, l'artiste remplit son contrat en générant un intérêt renouvelé pour un MANAU que l'on pensait moribond. Dommage, vraiment dommage, que ce quatrième album soit une imposture éhontée.

Celtique ? Ce nouvel album l'est assurément. Mêlant ambiances médiévales et évocations du pays bigouden, Le Village se voit agrémenté de bombarde, cornemuse et autre accordéon qui lui offrent une indéniable musicalité. Sans avoir besoin de puiser dans le répertoire traditionnel, MANAU propose une musique aux bases folk, offrant une place de choix à la guitare acoustique ainsi qu'au piano. Des instrumentations discrètes, efficaces et sans fioritures, qui n'ont pas pour but de briller par elles-mêmes, mais plutôt de servir le « flow » et les textes de Martial Tricoche. Comme pour justifier le titre de l'album, celui-ci se fait conteur d'historiettes simplissimes, liées par un concept hasardeux : des histoires de clocher, des comptines champêtres et rurales, ancrées dans une époque médiévale. MANAU nous parle du curé, de la sorcière, de la païenne, avec une poésie d'un enfant de 10 ans. Si derrière quelques effets de styles certains textes se révèlent autobiographiques (« L'ami »), ceux-ci ont perdu en profondeur et en impact. Si la qualité des textes était une des principales qualités de Panique Celtique, on regrette ici la poésie dure et réaliste de « L'avenir est un long passé » ou les récits initiatiques façon « Le chien du forgeron ». Sur ce nouvel album, la rime et pauvre, le verbe est facile, le texte digne d'une rédaction de collégien. Si l'on sent l'envie de bien faire (« Le curé et les loups », « La sorcière »), MANAU donne l'impression d'avoir régressé plutôt que d'avoir mûri durant les 13 années qui séparent ces deux albums. Pire, Martial Tricoche, qui s'occupe seul du chant, se paye le luxe de chanter faux à de nombreuses reprises, le summum de l'horreur étant atteint sur « La païenne », titre saboté par les faiblesses vocales de l'artiste en perdition.

L'effet madeleine de Proust fonctionne sur quelques morceaux, dont les deux précités. Mais, construits sur une base identique, et partageant cette indigence désespérante, les titres se succèdent, provoquant au mieux l'indifférence, au pire le dégoût. La démarche mercantile ne fait ici aucun doute. Martial Tricoche n'a rien à dire, et n'a d'autre choix que de soigner l'emballage pour se rappeler au bon souvenir des nostalgiques émus. Ces derniers constitueront autant de déçus désabusés après l'écoute de cet album répétitif et indigeste. Le travail d'un amateur voulant se donner des airs professionnels, mais loin, bien loin, de la qualité de ses travaux passés. Décidément, ne croyez pas les titres d'albums, MANAU n'est plus. Et peu de chances que cette perte minime déclenche une grande panique, même celtique.