Lorsqu'un artiste propose le volume II d'un de ses albums emblématiques publiés plus de dix ans auparavant, cela sent généralement le coup marketing, non ? Sauf si on s'appelle Meat Loaf, bien entendu. Tout candides que nous sommes, encore habités par le doux souvenir de Panique Celtique, indispensable et unique chef-d’œuvre de la mouvance Rap Celtique, nous avions cru en la possibilité d'une suite de qualité. Seulement voilà, sur Le Village, Martial Tricoche semblait bien poussif et peu inspiré, loin de la flamboyance dont il se revendiquait alors. Une petite arnaque musicale pas bien méchante, mais qui incite à la méfiance au moment d'aborder son successeur.

Fantasy ne peut donc que faire mieux que son honteux prédécesseur. Et effectivement, sur ce sixième album de MANAU se voit doté d'attributs rassurants et qui incitent à redonner une chance au projet du plus païen des rappeurs. Plus que celtique, ce nouvel album se fait quasiment symphonique, riche en arrangements et en chœurs qui offrent une profondeur bienvenue aux 11 morceaux qui le composent. Il y a de véritables moments de bravoure, qui voient le rappeur renouer avec une inspiration qu'on ne lui avait plus connu depuis longtemps. Sur "Vois-tu au loin", il y a tous les ingrédients à même de séduire l'auditeur : une mélodie celtisante entraînante, un flow délicat et accessible, et un refrain chanté porteur d'un aspect solennel sympathique. Si cette structure se répète sur l'ensemble des morceaux (tout comme sur l'album précédent), le manque de variété et de subtilité dans la construction des titres se voit compensé par la présence de mélodies bien plus travaillées et réussies que sur l'indigent Panique Celtique II. En bon conteur, Martial parvient ainsi à nous entraîner avec lui dans des contrées fantastico-médiévales, où le bonhomme narre les histoires de "petites gens" qu'il parvient à rendre intéressantes. "En attendant les temps" prend des allures de Bildungsroman, de conte initiatique, alors que "A Six pieds sous Terre" nous narre les dernières pensées d'un condamné. La rime est parfois bancale, la voix hésitante, le refrain facile, mais il y a vraiment du bon et de l'inspiré tout au long de ces 11 titres qui offrent des ambiances souvent sombres et pessimistes.

Martial peine néanmoins à maintenir l'intérêt. Profondément similaires, les structures des morceaux se font porteuses d'une homogénéité préjudiciable. A l'exception de la plus rythmée "Comme le monde est beau ma fille" et ses sonorités médiévales, l'ensemble des titres se cantonne dans des tempi medium et lancinants qui retirent à l'album tout souffle de vie durable. "La fille du marchand" et sa bombarde pas vraiment indispensable, ou encore "Ma fée" et sa paroles indigentes, qui voit Martial procéder à une auto-glorification, tirent vers le bas un album auquel il manque de la constance et de l'audace.

Bien meilleur que Panique Celtique II, Fantasy est un retour par la petite porte pour MANAU, qui parvient à délivrer une poignée de compositions dignes de son rang et de son histoire, mais qui pêche encore par une trop grande homogénéité et offre parfois la désagréable impression d'avoir été écrit à la va-vite. Les orchestrations, les chœurs imposants et les mélodies donnent néanmoins un intérêt réel à cet album qui se destine bien plus aux oreilles neuves qu'aux nostalgiques des temps anciens. A (re)découvrir.