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SOAP & SKIN - Narrow (2012)
Par SUNTORY TIME le 13 Juin 2012          Consultée 2352 fois

C’est tout d’abord la pochette qui intrigue. Le charmant visage d'une jeune femme, l’air solennel, pour ne pas dire triste. Glacial aussi, comme fait de porcelaine. On dirait un portrait de la renaissance, entre peinture flamande et hollandaise. L’esprit de Rembrandt n’est pas loin, mais il manque la chaleur de l’huile sur la toile, comme si la douleur nous happait derrière ce visage neutre, se cachant sournoisement.

Narrow est le deuxième album de SOAP & SKIN, le projet de Anja Plaschg, jeune Autrichienne aux multiples talents. Son premier album Lovetune For Vacuum l’avait fait remarquer avec ses chansons mêlant folk, musique électronique et quelques expérimentations, le tout dans une ambiance sombre voire gothique. Il est clair que Narrow se veut dans le même registre, d’une tristesse prenant aux tripes. Mais pour le coup, Anja Plaschg a des raisons d’avoir de la peine. Alors qu’elle réfléchissait à un nouvel album, son père décède. De ce drame, va naître le titre qui ouvre l’album, "Vater", chanté en allemand.

Dès ce titre, on est embarqué dans l’univers désespéré de Miss Plaschg. Le piano introduit une chanson assez sobre, très douce, puis une certaine rage s’entend dans la voix grave de la chanteuse, les notes s’enchaînent plus vite, avec plus de virtuosité. Et puis vient l’explosion finale où l’électronique se mêle au symphonique. Entre douceur et rage, "Vater" qui fait office d’entrée en matière redoutable impose son opposition radicale.

Dans ce genre torturé, "Deathmental" s’avère lui aussi menaçant, par sa rythmique électro sous tension, comme si l’ensemble ne demandait qu’à éclater. Et pourtant, ici, Anja Plaschg reste sereine jusque au bout, dans cet univers déconstruit, instable, qu’elle semble maîtriser telle une araignée faisant bouger les fils tactiques de sa toile complexe et dangereuse. Une toile qui semble moins meurtrière sur le dernier titre, à la mélodie plus prenante et à la rythmique plus sobre, malgré une intro stridente. Il est clair que "Big Hand Nails Down" aurait pu devenir un titre géant s’il n’était handicapé par sa trop courte durée (moins de 3 minutes), d’où une impression de frustration. C’est d’ailleurs le cas des cinq derniers titres, écrasés par la force des trois premiers, dont "Vater" et "Deathmental", dépassant ou frôlant les 5 minutes.

Les autres chansons sont beaucoup plus calmes et sobres, mélancolique sans être glauques. Des berceuses comme "Cradlesong" ou "Lost" sont particulièrement douces, même si le piano résonne de manière funèbre. Même sensation pour le magnifique "Wonder" dont les cordes et les chœurs enrichissent une palette de noirs colorés.

Si quelques bidouillages électroniques et une lente boîte à rythme agrémentent "Boat Turns Toward the Port", ils n’assombrissent pas le morceau davantage que les claviers et le chant bouleversant de Anja Plaschg, qui semble s’éloigner à l’horizon, dans un bref silence, avant que nous happent une dernière fois les arrangements électro de "Big Hand Nails Down".

Je n’allais pas conclure cette chronique sans évoquer le titre le plus improbable du disque. On peut se demander ce qui a bien pu passer par la tête de Miss Plaschg quand elle a décidé de reprendre "Voyage Voyage" de DESIRELESS ! Chers lecteur, voici bien la probable seule occasion que tu auras de lire quelques chose sur DESIRELESS sur F.P ! Une reprise donc, mais pourquoi cette chanson, énorme tube des années 80, sur laquelle on danse encore lors de soirées arrosées, non pas sans une certaine honte de connaître le refrain par cœur, car le texte est en français, qui plus est ? Un style musical complètement à l’opposé de SOAP & SKIN. Et pourtant, passé entre les mains de la jeune artiste autrichienne, le tube ringardisé par le temps se transforme en œuvre d’Art. Fini la rythmique dansante, les synthés immondes, le refrain accrocheur. Voix grave chantant en français avec un délicieux accent allemand, piano et orchestration de cordes des plus mélancoliques, la réinterprétation est inattendue, surprenante, mais ô combien bienvenue ! En 5 minutes et quelques, Anja Plaschg nous prouve qu’avec des arrangements différents, on peut changer le plomb en or. Cependant, je ne crois pas qu’un musicien, aussi génial soit-il, saura faire des chansons de Claude FRANCOIS ou d’autres des merveilles pleines d’émotion. On lance les paris ?

SOAP & SKIN livre ici une œuvre d’une émotion rare, douloureuse et lancinante. Maintenant que j’arrive un peu à court d’adjectifs, j'en conclus que Narrow est une réussite qui ne souffre que d’un réel défaut : sa trop courte durée (moins de trente minutes).
C’est d'autant plus dommage que certaines chansons auraient mérité quelques longueurs supplémentaires pour pouvoir s’imposer réellement.

Narrow ou l’infinité beauté du désespoir. SOAP & SKIN distille un univers où le deuil semble être monnaie courante. Du grand Art, mais à ne pas mettre entre les mains des plus fragiles. La noirceur est une chose, mais il serait plaisant, très plaisant, de voir un jour se dessiner un sourire sur le beau visage de Anja Plaschg.

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   SUNTORY TIME

 
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- Anja Plaschg (chant, piano, arrangements, artwork)
- Evelyn Plaschg (direction des choeurs, artwork)
- Georg Janosievics “szenario” (arrangements elecro)
- + Divers Choriste


1. Vater
2. Voyage Voyage
3. Deathmental
4. Cradlesong
5. Wonder
6. Lost
7. Boat Turns Toard The Port
8. Big Hand Nails Down



             



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