Recherche avancée       Liste groupes



      
INSTRUMENTAL JAZZ  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

 

- Membre : Keith Jarrett , Manu Katché , Bobo Stenson

Jan GARBAREK - Witchi-tai-to (1974)
Par STREETCLEANER le 3 Septembre 2012          Consultée 3924 fois

Partie intégrante du Bobo Stenson Quartet, Jan Garbarek réalise avec Witchi-Tai-To, enregistré fin 1973 pour le label de Manfred Eicher, et après une première jam session remarquée en Pologne en marge d'un festival de jazz à Varsovie, un des plus mémorables albums de jazz de la décennie. Rarement le talent ne sautera aux oreilles avec autant d'évidence que sur une œuvre comme Witchi-Tai-To. Ce même genre d'évidence qui s'impose à l'écoute du Bitches Brew de Miles Davis par exemple, même si l'ensemble des compositions, hormis « Kukka », ne sont ici que des covers (1), et non des compositions originales.

Souvent les jazzmen expliquent qu'on peut jouer neuf fois de suite un même morceau sans que celui-ci ne swingue. Et puis la dixième fois, il se passe quelque chose de magique, une chose qu'on ne peut expliquer, un mystère qui restera toujours caché. Une étincelle arrive et transcende alors les hommes, ceux-ci sont touchés par un état de grâce indescriptible, tout fonctionne et s'enchaîne à merveille, tout leur réussit, l'évidence point, et les hommes franchissent alors une autre dimension, la magie ne les lâche pas, ils ne touchent plus terre. Witchi-Tai-To peut nous faire penser à cette magie du swing. Ici tout est brillant, tout réussit, tout est évident, tout décolle et s'envole, tout est osmose, des liens magiques et télépathiques unissent tous les acteurs de ce grand show qui ne forment plus qu'une seule entité, qui ne peut alors qu'être d'essence divine.

Bobo Stenson, le pianiste, n'a rien à envier à un Keith Jarrett au meilleur de sa forme, au meilleur de son inspiration, de son agilité. Son jeu, complètement Jarrettien, rivalise avec celui du maître. Il est mélancolique, lyrique, puis léger et sautillant sur « Witchi-Tai-To », sensible et perdu dans ses pensées sur « Kukka », dansant sur « A.I.R. », cristallin, aérien, fluide, lumineux comme celui d'une harpe céleste, puis se fait maelström qui emporte tout sur « Desireless ».

Sur ce morceau fleuve de vingt minutes « Desireless » justement, les notes de Stenson fondent vers le ciel, les cieux. Elles s'envolent, son piano semble échapper à toute notion de gravité alors que Garbarek introduit un fabuleux thème mélodique, soutenu par les percussions, tellement puissant et ensuite si délicat, qui s'invitera également en fin de morceau, pour clore le trio. « Desireless » s'avère être une composition imposante et dont pourtant chaque seconde n'est que délectation. Rarement vingt minutes paraîtront aussi courtes ! Et rarement morceau n'entraînera l'auditeur avec tant de facilité; Celui-ci est littéralement happé par ces notes qui déferlent de la main droite de Stenson, une main qui semble vivre sa propre vie, complètement détachée, en apesanteur, et en même temps si incroyablement énergique. Stenson nous scotche et nous emporte avec lui, en transe. Et Garbarek n'est pas en reste, son long solo de saxophone ténor, en partie inspiré par John Coltrane, s'engouffrant dans des humeurs tour à tour excitées et aériennes, ce n'est plus un saxophone mais un insecte mécanique qui s'envole vers l'horizon, fait vibrer l'air et se voit être poussé dans ses derniers retranchements, on frôle souvent le point de rupture !

Son saxophone soprano se fait quant à lui exotique et dansant sur « A.I.R. », alors que les motifs répétés du piano nous amènent également en lisière de quelque décor oriental. On décèle déjà quelque chose de cette musique du monde dans ce « A.I.R. », une orientation que chérira le saxophoniste norvégien par la suite. Le très connu « Hasta Siempre » représente pour sa part le moment « pop » et latino de Witchi-Tai-To, joliment réussi.

D'une manière générale ce superbe album de jazz est particulièrement mélodique et donc plutôt facilement accessible. Allié à un vaste et jouissif sentiment de liberté et d'improvisation, sur « Desireless » notamment, Witchi-tai-To est un album redoutable, sa précision et son énergie, la force de ses expressions, son aura magique, décorporent littéralement l'auditeur. Witchi-Tai-To est autant une invitation de Bobo Stenson que de Jan Garbarek, une rencontre de deux talents touchés par la grâce. Pour ceux qui voudraient tenter l'aventure, une bonne nouvelle vient d'arriver : Witchi-Tai-To vient d'être réédité par ECM dans un coffret appelé Dansere, comprenant trois albums du début de la carrière du saxophoniste (Sart, Witchi-Tai-To, et Dansere). Ce coffret porte le numéro 2146-48. Plus aucune excuse donc pour passer à côté !

(1) compositeurs :

A.I.R : Carla Blay / Paul Blay
Kukka : Palle Danielsson
Hasta Siempre : Carlos Puebla
Witchi-Tai-To : James Pepper / Jim Pepper
Desireless : Don Cherry

A lire aussi en JAZZ par STREETCLEANER :


Francesco DE MASI
Lo Squartatore Di New York (1982)
Tout remonte toujours à l'enfance




The LOVECRAFT SEXTET
In Memoriam (2021)
De Mysteriis Dom Sathanas


Marquez et partagez





 
   STREETCLEANER

 
  N/A



- Jan Garbarek (tenor et soprano saxophones)
- Bobo Stenson (piano)
- Palle Danielsson (contrebasse)
- Jon Christensen (batterie)


1. A.i.r.
2. Kukka
3. Hasta Siempre
4. Witchi-tai-to
5. Desireless



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod