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PUNK ROCK  |  STUDIO

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GRAJDANSKAÏA OBORONA - Poganaïa Molodioj (1985)
Par SASKATCHEWAN le 20 Avril 2013          Consultée 2300 fois

C’est l’histoire d’un pays malade, dirigé par un homme encore plus malade. Iouri Andropov, ex-chef du KGB, secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique, crève à petit feu. Celui que l’on présente souvent (et à juste titre) comme un incorruptible avait su garder quelques réflexes de fonctionnaire de la police secrète. Comme sous Brejnev, on traque les dissidents, on les intimide, on les enferme. En 1982, cependant, un nouveau type de gêneurs fait son apparition dans les fichiers du KGB : le punk. Alors que le rock se développe clandestinement depuis les années 1960 en URSS, une nouvelle musique plus violente, plus politisée, séduit les jeunes soviétiques en déshérence.

A Omsk, en Sibérie, un groupe de jeunes s’essaye au No futur importé de Grande-Bretagne. Egor LETOV, Konstantin RIABINOV, Andreï BABENKO et quelques autres fondent le groupe POSEV en 1982. En 1984, un groupe parallèle est créé : GRAJDANSKAÏA OBORONA. Après le départ de BABENKO, la nouvelle formation n’est plus qu’un duo : Egor LETOV au chant, à la batterie et à la guitare, assisté par RIABINOV à la basse, sous le pseudo de KOUZIA OUO. Les premières années sont compliquées. Malgré les compositions accumulées depuis 1982, le groupe peine à trouver un studio pour enregistrer. Le KGB s’en mêle, et envoie Egor LETOV à l’asile pour quelques mois en 1984, tandis que RABINOV doit effectuer son service militaire malgré son statut de réformé.

En 1985, les deux larrons se retrouvent et enregistrent enfin leur premier album : Poganaïa Molodioj (« Jeunesse décadente »). Bien sûr, la production est absolument dégueulasse. Au-delà du folklore punk, cet attentat sonore est surtout dû à la l’organisation de la création musicale en URSS : les maisons de disque, les studios et les usines de pressage appartiennent toutes à l’Etat. Pointez-vous au bureau local du Parti et dites : « Bonjour, je voudrais faire un disque de punk, y’a un studio de libre ? Melodia*¹ peut m’en presser combien d’exemplaires ? » Rires dans l’assistance ; Lénine se retourne dans son mausolée ; la petite mamie à l’accueil ouvre son dico et cherche le mot « pank ».

En dépit du son de guitare absolument abominable et du chant approximatif, Poganaïa Molodioj est album majeur du rock russe. Pour la première fois, quelqu’un ose chanter ça : « De jours comme de nuit, ils titubent en foule dans les rues/ Jeunesse décadente ! / Ils crachent leur porto sur les honnêtes citoyens / Jeunesse décadente ! / Ils baisent et brisent les carreaux / Jeunesse décadente ! / Ils gueulent « Y’a rien à bouffer ! » / Jeunesse décadente ! ». GRAJDANSKAÏA OBORONA fait sans cesse allusion aux magasins vides, enregistre le bruit des chiottes et met à profit tout ce que le russe compte d’images graveleuses. Là-haut dans sa chambre d’hôpital, Tchernenko*² fait une crise d’apoplexie.

Sous le déluge de grésillements, le talent du duo pour trouver le riff marquant perce déjà. Les influences vont au-delà du punk, du rock psychédélique au folk. « Snarouji vsekh izmereni » sera d’ailleurs repris sur le dernier album psychédélique du groupe en 2007. Les morceaux les plus puérils sont portés par des mélodies simples mais entêtantes, comme sur « Nenavijou jenchtchin (takikh, kak ty) » (« Je déteste les femmes (comme toi) »). Ce qui distingue GRAJDANSKAÏA OBORONA des autres groupes de sa génération, déjà à l’époque, c’est le petit grain de poésie qui vient se nicher sur certaines compositions. L’instrumental « Poezd na malouïou zemliou », dans le genre, est une petite bouffée d’air frais bienvenue avant l’agression de « Ne Smechno ». LETOV est un équilibriste qui hésite toujours entre sa rage politique et ses tentations oniriques, le tout saupoudré d’un esprit parodique très russe (« Klalafouda Klalafou »).

Passez outre la production, plongez-vous dans la genèse de GRAJDANSKAÏA OBORONA, l’une des formations les plus riches et les plus contradictoires de la scène rock russe et soviétique. Les remastérisations successives ont rendu le son plus supportable et le talent plus évident. A l’image de nombreux premiers albums, Poganaïa Molodej est aussi imparfait qu’attachant, mais il mérite qu’on y laisse traîner une oreille (quitte à faire la fortune de son ORL).

*¹ Melodia : maison de disque d’Etat du temps de l’URSS, qui existe toujours en tant qu’entreprise privée.
*² Konstantin Tchernenko : successeur d’Andropov au poste de Secrétaire général en 1984, alors qu’il était déjà gravement malade. Mort en 1985, remplacé par Gorbatchev.

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- Egor Letov (chant, guitares, basse, percussions)
- Konstantin 'kouzia Ouo' Riabinov (basse, guitares, choeurs)


1. Poganaïa Molodej
2. Snarouji Vzekh Izmereni
3. Dvoitsa V Glazakh
4. Starost - Ne Radost
5. Ia Vydouman Naprotch
6. Nenavijou Jenchtchin (takikh Kak Ty)
7. Poezd Na Malouïou Zemliou
8. Ne Smechno
9. Mama Blia
10. Nikak Ne Nazyvaïetsa
11. Liritcheskoïe Nastroïenie
12. Klalafouda Klalafou
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14. Mama, Mama...
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