Hop, on ne perd pas de temps chez Rolf-Ulrich Kaiser ! Alors que le premier effort des 'Jokers de l'Espace' est encore en cours de réalisation, le gourou déglingué convoque une nouvelle fois ses musiciens adorés à une seconde session sous acides, à laquelle participent cette fois-ci la chanteuse Rosi Müller, que l'on a retrouvée l'année précédente sur le cinquième ASH RA TEMPEL, et Gille Lettmann, sa propre femme, également derrière le micro. Galactic Supermarket sort ainsi quelques semaines après le premier sans que, selon la légende, Manuel Göttshing ait été mis au courant de l'enregistrement. Il n'aurait même découvert le vinyle que par hasard, chez un disquaire de Berlin. Un vinyle qu'il aurait qualifié d'exceptionnel avant même de savoir qu'il avait participé à sa conception.

Malgré tout le respect que j'éprouve pour ce génie qu'est Göttshing, qualifier Galactic Supermarket d'exceptionnel n'est pas franchement ce que j'aurais fait. Si cette seconde offrande n'est pas foncièrement mauvaise, on est quand même loin du niveau de The Cosmic Jokers, premier du nom. La principale explication de cette surprenante baisse de régime est la trop grande inégalité qui règne sur l'ensemble du disque, non pas entre les deux longs morceaux qui composent ce dernier, mais au contraire au sein-même de ces derniers. Galactic Supermarket alterne ainsi des passages d'un ennui mortel et des montées en puissance aussi fantastiques que trippantes, entre l'introduction bordélique et gonflante de "Kinder des Alles" et une partie centrale mystérieuse et intense, entre des improvisations hasardeuses et rapidement inintéressantes et des improvisations réussies et rapidement jouissives, deux domaines dans lesquels aussi bien Klaus SCHULZE que Manuel Göttsching parviennent remarquablement à s'illustrer. De manière générale, l'auditeur a la nette impression que, chaque fois qu'Harald Großkopf commence à s'activer un peu trop derrière ses fûts et que les notes s'égrènent un peu plus rapidement que d'habitude, rien ne fonctionne vraiment. Au contraire, lorsque le groupe se laisse aller à des constructions plus planantes, où tous les instruments ne font qu'un corps uni, en évitant dès lors de se dresser les uns contre les autres, THE COSMIC JOKERS méritent alors bien leur nom et, en effet, parviennent à un résultat céleste et envoûtant.

Je le disais, Galactic Supermarket n'est cependant pas mauvais et, heureusement, son écoute n'est pas gâchée par quelques parties, il est vrai, plus faibles que les autres. Il possède d'ailleurs ses très grands moments : les seconde et troisième parties de "Kinder des Alles" aux ambiances profondes et fascinantes qui nous rappelleraient presque celles de Phaedra ou de Rubycon des collègues de TANGERINE DREAM, ou encore la seconde piste éponyme qui, malgré des longueurs, reste elle aussi de très bonne facture. Les voix de Rosi Müller et Gille Lettmann, finalement assez peu utilisées, apportent sans doute un côté un peu caricatural à l'oeuvre, mais renforcent à mon avis sa dimension 'trip spatial' qui n'est pas sans déplaire. Un disque relativement bon donc, loin d'être essentiel toutefois, incapable c'est sûr de tenir la comparaison avec le premier album de nos Allemands, que je conseille bien entendu avant celui-ci.

3/5