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GARAGE ROCK  |  STUDIO

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1966 Black Monk Time

E.P

2017 Hamburg Recordings 1967

The MONKS - Black Monk Time (1966)
Par JOVIAL le 12 Juillet 2013          Consultée 3588 fois

Avoir la prétention d’affirmer pouvoir résumer l’œuvre des MONKS en seulement quelques paragraphes est sans aucun doute une folie, mais l’impact et la force de cette dernière nous obligent toutefois à tenter l’expérience. Car ces cinq bien étranges moines, complètement oubliés de nos jours, ont en l’espace d’une demi-heure ouvert la voie à plusieurs centaines de groupes qui officieront par la suite dans des styles pourtant très éloignés les uns des autres, et ce grâce à un seul et unique skeud, aussi puissant que novateur, justement sorti à la confluence de deux époques bien distinctes dans l’histoire de la musique. Évidemment, dire que les MONKS auraient à eux-seuls changé la face du rock en cette année 1966 est une pure ânerie et il nous faudrait ainsi rendre hommage à ces autres acteurs de l’ombre que furent par exemple Frank ZAPPA, THE FUGS, THE GODZ, The Red Krayola, THE SILVER APPLES et autres noms barbares de l’underground américain pour parfaitement expliquer la naissance d’un rock « autre », voulant à tout prix aller plus loin, ne plus s’en tenir aux codes des modèles en circulation et, avant tout, se faire plaisir en jouant SA musique sans tenir compte de l’avis du grand public.

Se faire plaisir était justement le maître-mot des MONKS au départ. Les membres du groupe se rencontrent en effet en 1961 alors qu’ils effectuent leur service militaire sur la base américaine de Gelnhausen en Allemagne de l’Ouest. Leur passion commune pour le surf rock californien les conduit bientôt à jouer ensemble au sein d’une première formation, nommée The Five Torquays, qui commence dès le départ de leur garnison hessienne à écumer les bars et clubs locaux. La naissance des véritables MONKS n’intervient cependant qu’en 1965, lorsque nos Américains font la connaissance des artistes Walther Niemann et Karl-Heinz Remy, deux illuminés se prétendant philosophes révolutionnaires mais également producteurs de génie, qui leur proposent bien rapidement de passer à la vitesse supérieure et de se forger une nouvelle identité, une nouvelle esthétique, rompant avec le « baroque » des ROLLING STONES, « les trucs pour grand-mères » des BEATLES et, finalement, tout le reste. Gary, Larry, Roger, Eddie et Dave se rasent alors la tête à la manière des moines du Moyen-Âge et ne portent plus sur scène que les sobres frusques de pasteurs protestants. Enfin, les textes eux-aussi changent à leur tour : si la mythique « Monk Time » s’affiche comme une protest song anti-Vietnam, les autres chansons parodient caustiquement les niaiseries de leurs voisins anglais, en se réclamant parfois du dadaïsme, mais certainement plus d’un esprit je-m’en-foutiste que la postérité qualifiera plus tard de « protopunk ».

Protopunk, la musique des MONKS l’est également. Les mélodies sont simples, les morceaux courts et nos moines fous vont directement à l’essentiel, sans fioritures, sans chercher à embellir le résultat final, à l’exact opposé de ce que l’air du temps préconisait. Mais classer notre quintet uniquement dans la case « garage rock » serait réducteur, malgré toutes les ressemblances que l’on pourrait retrouver avec les cadors du style (les Kingsmen en tête). Non, ce qui éloigne The MONKS de ces derniers, c’est justement cette envie, à chaque instant entretenue, d’aller toujours plus loin, de se défoncer en essayant tout ce qui leur passe par la tête. Dave Day fait ainsi connaître l’électricité à son banjo, Roger Johnston joue quasiment sans cymbales, la guitare de Gary Burger est sale et rougeoyante, tandis qu’Eddie Shaw branche sa basse sur distorsion. Et puisque l’on s’appelle « les moines », autant rajouter un petit côté religieux à l’ensemble vous ne pensez pas ? C’est immédiatement chose faite avec cet orgue bien débile et ces chœurs obsédants à faire hurler n’importe quel amateur de gospel, que les textes tout sauf chrétiens et les voix éraillées de nos cinq compères achèvent de faire gerber. Le pari de Niemann et Remy de faire de nos Américains le fer de lance d’une nouvelle génération avant-gardiste est bel et bien réussi : les rythmiques mécaniques et les expérimentations sonores influenceront directement un krautrock encore inexistant, Larry Clark aux claviers montrera la voie à des générations d’organistes des rock psychédélique, progressif et autres étiquettes qui vont bientôt naître et la basse bien lourde d’Eddie Shaw nous renverrait presque au Vincebus Eruptum de Blue Cheer deux ans plus tard. « Blast Off! » rappelle les SILVER APPLES qui ne se sont pas encore rencontrés. Le minimalisme abrupte d’un « Monk Time » évoque déjà les futurs travaux de CAN. Les triturages guitaristiques se plaisent à anticiper le noise rock et de manière générale on tient ici l’une des grandes influences du punk rock dont les DEAD KENNEDYS et THE FALL se réclameront par la suite.

Oui et alors ? Adouber Black Monk Time comme un disque génialement en avance sur son temps en fait-il pour autant un chef-d’œuvre ? Non.

Mais si. Car The MONKS est un groupe d’une urgence et d’une énergie rares pour l’époque. Black Monk Time nous rentre dans le lard dès les premières secondes de « Monk Time » et cette folie musicale ne fait qu’empirer au fil de l’album. Roger Johnston cogne comme un sourd quel que soit le rythme adopté, Gary Burger s’égosille comme un damné durant toute la durée du disque et les raclées sèches que Dave Day inflige à son banjo électrique nous tranchent la gueule en deux à chaque impact. Le clavier de Larry Clark, parfois plus gentillet que les autres instruments, réclame quant à lui sa part du gâteau en fin de partie, ne se contentant plus d’un travail d’accompagnement ou de soli hasardeux, mais se permettant alors de nous faire péter un boulon sur l’épileptique « Blast Off! ». J’aurais presque envie de vous détailler chaque morceau, des refrains jouissifs de « Shut Up » à la pachydermie d’« I Hate You », sans oublier toutes ces dingueries que nous réservent les excellentes « Complication » et « Oh, How To Do Know » mais je constate que je viens de dépasser ma page Word et que votre attention commence à faiblir, c‘est bien normal. Je m’arrêterais donc ici, en vous laissant entre les mains ce Black Monk Time, véritable mystère, album colossal, déjanté et crade, radical et terroriste, dont on oserait à peine dire de nos jours qu’il a quelque peu vieilli.

4,75/5
Le trio gagnant : « Monk Time », « I Hate You », « Oh, How To Do Know »

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   JOVIAL

 
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- Gary Burger (orgue/chant)
- Larry Clark (orgue/chant)
- Roger Johnston (batterie/chant)
- Eddie Shaw (basse/chant)
- Dave Day (banjo/chant)


1. Monk Time
2. Shut Up
3. Boys Are Boys And Girls Are Choice
4. Higgle-dy-piggle-dy
5. I Hate You
6. Oh, How To Do Now
7. Omplication
8. We Do Wie Du
9. Drunken Maria
10. 1love Came Tumblin' Down
11. Blast Off!
12. That's My Girl'



             



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