Donald Fagen et Walter Becker sont les deux génies à l’origine du groupe Steely Dan. Réputés pour être les deux seuls musiciens permanents, le duo américain s’est formé fin 60, début 70. On parle souvent de Jazz-rock lorsque l’on veut qualifier leur musique. Cependant, tenter de caser un groupe pareil dans un genre musical est vain. Cessons de suivre les mauvaises habitudes dictées par les vendeurs de disques, pour la simple et bonne raison que certaines formations sont inclassables. A la limite, Le terme « Fusion » peut être employé pour ce groupe ; son aspect un peu fourre-tout est effectivement pratique. Mais la musique de Steely Dan est si envoutante que notre mauvais réflexe de vouloir toujours classer les groupes disparaît. Maintenant, insérons le cd dans notre lecteur, appuyons sur play et faisons abstraction des coutumes et préjugés pour nous concentrer à cent pour cent sur la musique.

En saisissant le cd on se sent observé. Sur la pochette se trouve un criquet (« Katydid » en anglais rimant avec le titre de l’album). S’étant frayé un chemin à travers les fourrés, il nous observe de son air curieux. Là où les autres insectes se seraient enfuis, lui surpasse sa peur. Etrange non ? On peut tout à fait interpréter cela comme étant une métaphore de l’état d’esprit du duo, toujours à l’affut de sons surprenants et empreints de nouveauté.

La musique de Steely Dan est fraiche, très catchy sans être trop simpliste. On a vraiment l’impression que chaque titre est un single tellement les mélodies sont inspirées et originales. Du morceau très jazzy (« Chain Lightning ») au plus folk/pop (« Rose Darling ») en passant par le blues, on peut dire que Becker et Fagen couvrent un large spectre musical. Et pour cause, les « best of » du groupe contiennent au moins la moitié des titres de « Katy Lied ». Rien d’étonnant à cela. A l’écoute de « Throw Back The Little Ones » on ne peut qu’être charmé par cette voix si particulière et par son accompagnement très swing. Il faut dire que, comme à son habitude, le duo s’est généreusement entouré : citons Larry Carlton, David Paich, Jeff Percaro (alors âgé d’une vingtaine d’années), Michael McDonald et Rick Derriger (auteur du magnifique solo de guitare sur « Chain Lightning »). Cela ne fait que sublimer leurs compositions en apportant une touche propre à chaque artiste.

Les deux compères sont célèbres pour leurs exigences presque maladives en studio (d’ailleurs, ils sont beaucoup plus connus pour leur travail en studio que pour leurs prestations sur scène). Honnêtement, on peut tout à fait affirmer que leur musique frise la perfection. Oui, à ce point-là. En fait, on est presque forcé d’apprécier car ça s’écoute tout seul, du moins c’est difficilement détestable. C’est comme un bon « Quarts-de-Chaume », doucement sucré, fin et gouleyant. A peine la dégustation entamée que l’on se rend compte que l’on est à son deuxième verre. Concernant la production, elle est impeccable. Gary Katz fait un très beau boulot depuis le premier album du groupe sorti en 1972. Le son est pur et sans défauts apparents. Chaque instrument peut être entendu bien distinctement car la stéréo est parfaitement exploitée.

Steely Dan est un groupe injustement méconnu du grand public. Pourtant, leur musique est très accessible et consensuelle. L’album « Katy Lied » le démontre à maintes reprises.