Ásgeir Trausti, jeune chanteur islandais de vingt-et-un ans a le visage et la voix d'un ange.
Regard bleu, lèvres fines, des traits délicieux. Il est d'ailleurs absolument fascinant de remarquer à quel point la délicatesse de son visage est capable de trahir la beauté de sa musique. Une beauté d'une pureté absolue et sans réserve mais qui s'apparente à celles violentes qui s'évanouissent à l'instant même où elles se donnent, et dont la nature supérieure finit par lasser.
L'émerveillement qu'elles nous procurent étant déjà loin, on se persuade moins par raison que par jalousie qu'elles ne nous atteindront plus, et on se désespère à trouver des qualités dans les défauts de ceux qui autour de nous n'appartiennent pas à la famille de ces fameux anges.
La musique de l'Islandais ne dit que ce désarroi... Et cette revanche.

Alors oui, l'album renferme ce que l'on peut faire de mieux dans le genre, et propose une succession de morceaux folks portés par une voix de tête somptueuse qui se déploie sur des guitares aux accords éculés mais toujours efficaces.
La magie qui s'en dégage se met cependant vite à tourner en rond et s'écroule par manque de folie.
En vain, on cherche à chaque nouveau titre ce qui le distinguera des autres, celui qui offrira un peu plus que le précédent ou le suivant et puis on abandonne.
Mais se résigner aussi vite serait faire preuve de mauvaise foi car un peu de persévérance finit par payer.
Certains morceaux parviennent en effet à briser la torpeur de l'album, notamment « Going Home » d'une beauté saisissante et « Torrent », soutenu par un piano flamboyant et dont le refrain endiablé touche directement au cœur.
Mais la véritable réussite de l'album est « Head in the snow », petite perle aux accents trip-hop traversée par la voix chaleureuse d'Ásgeir. L'atmosphère du morceau contraste d'ailleurs ironiquement avec son titre et les paroles qui y sont prononcées.

Ces trois morceaux aux mélodies irréelles révèlent un artiste à la sensibilité envoûtante, et il est regrettable que ce dernier ne soit pas parvenu à apporter davantage de reliefs à un album trop invariable et trop lisse qui finit par provoquer l'ennui.
Dire que l'on attend déjà le prochain album d'Ásgeir avec impatience est un euphémisme tant In the Silence promet beaucoup mais pèche par son manque d'audace.
Et pourtant... Le single King and Cross réussit à mêler avec brio des influences soul et bossa nova, les cuivres du morceau éponyme et les cellules rythmiques jouées à la caisse claire apportent des variations intéressantes à l'album, mais tous ces petits ornements ne suffisent pas à apaiser l'appétit de l'auditeur conscient du potentiel artistique du jeune chanteur, et qui exige des sonorités et des arrangements moins formatés.
Partant, on se mets à rêver d'une musique qui gagnerait en fougue, qui deviendrait plus ardente, plus incandescente, plus animale.
Cette dernière est finalement à l'image de celui qui la chante, sans doute encore peu sûre d'elle et dont la timidité cache un caractère forcément impétueux. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'islandais est un grand fan de Nirvana...
Un artiste à suivre donc, et qui on l'espère saura s'extirper d'un registre trop conventionnel pour aller flirter vers des terres plus fangeuses.
Mais attention. Prenons garde à ne pas être trop exigeant envers ce jeune fauve.
Peut-être faut-il assumer son désarroi et se contenter d'admirer la beauté d'une musique folk – teintée d'électro - au caractère inoffensif certes, mais à la pureté irréprochable. Après tout, qui lui en voudra si dans son prochain album l'islandais continue à proposer du Bon Iver taillé pour le road trip en pire ou en mieux selon les points de vue.

On préfère être du côté de ceux qui mouillent le maillot et on patiente ardemment donc, en espérant qu'Ásgeir fera de même où voire pire , qu'il aura assez de cran pour s'infliger une griffure au visage.