Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Jonny Lang est un surdoué. Et un surdoué précoce. À 33 ans, il a déjà presque 20 ans de carrière derrière lui et occupe une place centrale dans le milieu du blues. En effet, Lie To Me (1996) ou encore Wander This World (1998) avaient révélé un artiste touchant et charismatique, à la voix rauque et au jeu de guitare virtuose. Depuis, Jonny Lang s'est frotté à d'autres styles, comme la soul, la funk ou le gospel, sans jamais renier ses références et toujours avec brio. Ecoutez « It's Not Over », titre extrait de Turn Around (2006), c'est prégnant.

Toutefois, Jonny Lang se fait plutôt rare en studio. La sortie de Fight For My Soul est donc un événement, sept ans après le dernier album. Certes, la rareté est généralement synonyme de qualité. De son propre aveu, Jonny Lang affirme ne s'être imposé que peu de contraintes pour ce disque, si ce n'est celui de prendre chaque chanson pour ce qu'elle est. Voilà pourquoi de multiples influences traversent cet album. Inutile donc de chercher une cohérence d'ensemble, d'autant plus que les titres présents ici ont été composés sur plusieurs années.

Fight For My Soul est un album composite, c'est tout autant sa force que sa faiblesse. Jonny Lang a souhaité se faire plaisir et exploiter l'ensemble de ses influences, grâce à un remarquable travail de production. Malgré cela, l'ensemble n'est pas parfait. L'exemple le plus adéquat étant « Breakin' In », chanson sur laquelle JL offre un travail vocal abouti, lorgnant vers Michael Jackson et son falsetto. Seulement, le refrain reste bien trop pop et pourrait presque passer sur NRJ. Dispensable, donc. On ressent un peu la même impression sur « What You're Looking For », titre aux inflexions R'n'B finalement assez convenu, et sur « Not Right », chanson funky finalement peu marquante. Il faut donc bien l'avouer, proposer un menu copieux et varié comprend un risque, celui de l'indigestion.

Fort heureusement, Jonny Lang est un artiste expérimenté : il maîtrise l'art du dosage. « The Truth », avec son intro à la Santana, est une power ballad subtile qui évite tous les écueils du genre. Le résultat est touchant. Même constat sur « All Of A Sudden », aux teintes soul revendiquées, et « Seasons ». Au chapitre des satisfactions, « River » se veut bondissante et me fait penser par moments à certains morceaux de Billy Joel. Les chœurs y sont magnifiquement mis en valeur. Tout aussi remuante, la chanson d'ouverture est réjouissante. « Blew Up (The House) » casse littéralement la baraque. JL s'y éclate vocalement, répondant alternativement à des chœurs plus en retrait. Le résultat est une surdose de vitamine, à l'énergie communicative. En apparence plus calme, le titre éponyme nous enveloppe et nous transporte. Ici, le propos est plus grave et l'émotion gagne petit à petit l'auditeur. Rythme syncopé, tonalités reggae et montée en puissance imparable : tout y est pour faire de ce morceau un moment fort de l'album. Au même titre que « We Are The Same », formidable démonstration rythmique aux paroles fédératrices. Six minutes de pur bonheur, où tout le talent musical de Jonny Lang s'exprime sans retenue.

Justement, on peut largement sentir à l'écoute de cet album que JL n'a pas ménagé ses efforts. Il a expérimenté et force est de constater qu'il ne s'est que rarement trompé. Il a pris le temps de mûrir ses influences tout au long de sa carrière et a tout le loisir de poursuivre un travail de production judicieux et délectable. Bien sûr, les amateurs de la période blues-rock de Jonny Lang seront sans doute déçus par cette livraison, finalement assez éloignée des premiers disques. Néanmoins, qu'ils se rassurent, la talent de JL demeure intact. C'est bien l'essentiel.