Il y a eu de quoi être en deuil musical avec la fin de JAPAN. Comment ces chantres de la new-wave romantique ont-ils pu raccrocher les gants, alors même que le succès allait en croissant, grâce à une musique toujours plus grandiose ? Tout simplement à cause de dissensions personnelles, liées entre autres à l'artiste Yuka Fuji. Certains peuvent y voir la main du Destin, qui serait alors intervenu afin d'éviter le pire à JAPAN, à savoir une agonie lente et douloureuse, faite d'albums poussifs et inutiles (ayons une pensée émue pour TANGERINE DREAM et les ROLLING STONES). Quelque part, c'est tant mieux.
L'inévitable question qui se pose, c'est de savoir ce qu'ont fait les membres du défunt groupe. Si le bassiste Mick Karn ne s'est pas fait prier pour enchaîner les projets, il a fallu un peu plus de temps à David SYLVIAN, la tête pensante de la formation, pour se remettre au travail. Ainsi, il a fallu attendre 1984 pour que la première oeuvre solo du chanteur, Brilliant Trees, finisse par sortir.

Avec un casting pas forcément prestigieux mais 'pesant' suffisamment lourd (Ryuichi Sakamoto, John Hassell, Holger Czukay...), et fidèlement accompagné par son frère Steve Jansen, David SYLVIAN montre si besoin était qu'il est un musicien et compositeur extraordinaire, qui avait clairement tout ce qu'il lui fallait pour devenir un monstre de la pop. C'est dans un univers art pop/jazz que nous invitent les 7 compositions réunies sur le disque, avec une tendance à l'ambient.

Enfin, pas tout à fait. Le premier morceau, "Pulling Punches", est en fait du JAPAN pur jus, la basse de Karn en moins. Cette chanson dynamique aurait très bien pu s'intégrer à Tin Drum, le dernier album du groupe, tout en assurant la continuité avec un potentiel sixième album qui n'a jamais vu le jour. La qualité est bien sûr présente, et son passage en single était inévitable – ou plutôt, le contraire aurait été étonnant. Dès "The Ink in the Well", cependant, les choses changent et le Japan-like cède sa place au 100 % SYLVIAN. Cette dernière est d'ailleurs la chanson la plus jazz, en témoigne la contrebasse de Danny Thompson. Même un non-amateur du genre peut y accrocher aisément. Plus loin, "Red Guitar" dénote une finesse redoutable, surtout le refrain, paradoxalement favorisée par la batterie sèche, métronomique durant les couplets.

Les quatre autres chansons nullement en reste, émerveillent autant qu'elles font voyager. Enfin, presque... "Backwaters" n'est pas forcément un mauvais morceau, mais il apparaît plutôt transparent et très peu important au sein du disque, sans compter qu'il précède le morceau-titre. Quel morceau d'ailleurs : SYLVIAN, accompagné par Jon Hassell à la composition, en fait un final de toute beauté, qui se place dans une veine ambient pop remarquable.

Enfin, aussi réussi soit cet album, sa production, bien qu'efficace, il faut avouer que le son peut paraître un peu daté. Il n'arrive pas à cacher son âge. Un peu dommage pour un album qui mérite pourtant une pluie de louanges tellement ses morceaux sont des pièces d'orfèvre. David SYLVIAN a peut-être sacrifié la gloire et une carrière fructueuse, mais la contrepartie vaut tellement le coup qu'il serait bête de s'en plaindre.