FU MANCHU s'était fait plutôt rare en studio ces dernières années, mais ce n'est heureusement pas au détriment de la qualité. D'ailleurs, qu'est-ce réellement qu'un mauvais album de FU MANCHU ? J'ai personnellement beaucoup de mal à le concevoir... Des compos trop linéaires ? Des riffs peu inspirés ? Un son trop plat ? Eventuellement, mais cela reste très subjectif. Car FU MANCHU demeure l'un des rares représentants de cette frange ouvertement "punk" de la scène stoner, qui n'a jamais su réellement trancher entre ses influences originelles, à savoir le grunge et le punk hardcore, et sa passion d'enfance pour le hard rock et le heavy metal. En 2014, les Californiens de FU MANCHU continuent donc de surfer avec brio entre toutes ces galaxies musicales, avec toutefois un fort penchant pour le doom et le heavy depuis quelques albums... Et quoi de mieux qu'une bonne pochette spatiale pour s'adonner à la lourdeur dans la joie et la bonne humeur ?

Car on le sait, le fan de stoner aime l'Espace. Les vastes étendues vides de l’éther et ses corps mobiles à la masse monstrueuse sont depuis longtemps une source d'inspiration inépuisable pour les amateurs de gros son gras qui tabasse tout en lourdeur. D'ailleurs en bons historiens du rock amateurs que nous sommes, nous pourrions remonter jusqu'aux premiers albums de BLACK SABBATH et à des titres tels que "Planet Caravan", "Into The Void" ou encore "Under The Sun" pour retrouver la trace d'un tel engouement cosmique...
En toute logique mathématique, FU MANCHU aime donc aussi l'Espace. Visuellement, on avait déjà pu s'en rendre compte en 2009 sur Signs Of Infinite Power, album à la pochette éminemment solaire et extraterrestre. Et voilà qu'en 2014 débarque donc ce Gigantoid, armé de son superbe artwork qui, au premier regard, fleure bon la SF lourde et grasse, l'inspiration vintage et le space opera kitsch.

Musicalement c'est à peu près la même chose : qu'il explore les dimensions les plus lourdes possibles en flirtant ouvertement avec le doom sabbathien ("Dimension Shifter", "Anxiety Reducer") ou bien qu'il nous berce dans des océans de psychédélisme pur (l'épique "The Last Question"), FU MANCHU se pose en digne conquérant d'un Espace intergalactique dans lequel il se sent merveilleusement à son aise. Le gras cosmique est assurément de sortie sur "Invaders On My Back", avec ces refrains puissants proches du punk hardcore. D'influences hardcore, il en est également question sur "Mutant", avec cette basse infernale qui nous happe violemment pour ne plus nous lâcher. L'héritage du hardcore semble également assumé sur "No Warning", où le FU MANCHU le plus punk qui soit nous balance toute sa rage sur 1 minute et 25 secondes de furie totale. Mêmes connotations punkoïdes sur "Triplanetary", décidément les Californiens semblent remontés...

À d'autres moments, c'est un FU MANCHU plus métallique et bien plus agressif qui se dévoile à nos oreilles : le groupe ressort ainsi sa vieille recette stoner speed sous amphétamines sur la tonitruante "Radio Source Sagittarius", avec un final lourd à souhait. Et que dire de cette merveilleuse "Evolution Machine" flirtant ouvertement avec le doom metal ? FU MANCHU y dévoile une puissance sonore comme il n'en a que rarement montré durant sa carrière. Je sais que certains pourraient regretter la fraîcheur skate punk ensoleillée de certains des meilleurs titres de California Crossing (2001), mais bon que voulez vous, FU MANCHU semble rangé des voitures depuis désormais pas mal de temps. Aux vues des récentes pochettes de leurs albums, c'est véritablement le cas de le dire d'ailleurs. L'album se clôt enfin sur un "Robotic Invasion" classique mais non moins rafraîchissant, où le lourd l'emporte définitivement sur toute tentative de retour à la réalité terrestre. N'y comptez pas trop, FU MANCHU a désormais son brevet de navigateur spatial, donc accrochez vous, le voyage en hyperspace n'est pas prêt de s'arrêter !

À grands renfort de fuzz lourd, d'influences punk méchantes et de guitares massives, FU MANCHU nous développe ici toute sa meilleure rhétorique stoner. On est en terrain connu. On se prends donc au jeu de cette messe cosmique furieusement herbivore, qui convoque tour à tour HAWKWIND, BLACK SABBATH, les MELVINS ou encore KYUSS dans son grand chaudron interplanétaire. Certes, Gigantoid n'est pas l'album de stoner le plus original qui soit, surtout au vu de l'abondante production de ces dernières années dans le genre. Mais qu'importe : Gigantoid est un excellent cru des Californiens, qui à l'instar d'un MOTÖRHEAD au meilleur de sa productivité récente, continue à enfiler les perles d'une discographie quasiment sans fautes depuis ses débuts.

Espérons que cela dure... car l'Espace est vaste !