C'est à Essen que tout a commencé, dans cette charmante (enfin, je suppose) ville d'Allemagne qu'est né l'un des genres les plus riches et plus importants du XXe siècle, j'ai nommé le krautrock. Dans un contexte politique et social des plus tendus, le festival d'Essen de 1968 a vu naître ce mouvement, avec toute la jeunesse teutonne en contradiction avec la société conservatrice, volontairement amnésique et superficielle, typique des années 60, suivant les tribulations sur scène de beatniks décalés et originaux (dont un certain Franck ZAPPA). Parmi ces fous qui ne rentrent pas dans le rang, une formation attire l'attention. Il s'agit de la communauté culturelle et politique AMON DÜÜL. Tirant son nom de deux divinités égyptiennes (Amon-Râ) et turque (Düül), le groupe munichois fait parler de lui dans l'underground allemand et se forge une réputation relative. Et ce qui devait arriver arriva : l'année suivante, AMON DÜÜL sort son premier album, Psychedelic Underground. Tout un programme rien qu'au titre.

Objectivement, Psychedelic Underground est un pivot de la musique allemande, dans le sens où c'est tout bonnement la charpente première du krautrock. Les ingrédients de base sont déjà présents : psychédélisme à fleur de peau, rythmique carrée, folie vocale, le tout encore dans un état brut, mais une étape a déjà été bien franchie depuis le psychédélisme de l'époque (ne parlons même pas de la musique de variétés). En ce sens, Psychedelic Underground est un album fondateur qu'il convient de découvrir quand on veut comprendre l'histoire du krautrock.

Oui, mais est-ce que cet album est musicalement bon ?

Réponse : il est nul à chier.

Psychedelic Underground est l'un des pires albums de 1969 ! Déjà, la production est tout bonnement atroce. Ce n'est même plus du garage, mais du 'garbage', d'un certain point de vue. Je veux bien qu'AMON DÜÜL n'ait pas beaucoup de moyens, qu'il faille bien nourrir le personnel, payer les instruments, mais là, sérieusement ? Etait-il si compliqué de garder quelques deutschmarks de côté pour payer un bon ingé son ? Il est vrai dans le même temps que s'occuper d'argent, ce serait étonnant pour des hippies.
Mais si ce n'était que ça ! AMON DÜÜL est donc une communauté d'artistes en tous genres qui jouent de la musique. Parmi ces gens, se trouvent Chris Karrer, Peter Leopold, ou encore Hansi Fischer, de bons musiciens qui feront leurs preuves. Mais à leurs côtés, se trouvent aussi des compères qui n'avaient jamais touché d'instrument de musique de leur vie. C'est ainsi qu'ils produisent des titres aux noms complètement insensés et terriblement mauvais. Pas d'accords ou de mélodies bien trouvés, des gens qui gueulent plus qu'ils ne chantent, j'en passe et des meilleurs : rien n'est bon sur Psychedelic Underground. J'en vois déjà qui se gargarisent tels des hipsters : 'Mais voyons, c'est sans doute fait exprès, il faut voir la geste artistique et la mentalité libertaire et anarchiste'. Soit, mais désolé, je ne marche pas dans ce genre de combine tentant de justifier l'injustifiable. Il faut toujours un minimum d'exigence artistique, et ça, AMON DÜÜL ne l'a pas compris.

Psychedelic Underground fait clairement partie de ce que l'Allemagne a produit de pire en musique dans les années 60. Ce manifeste artistique est nul, raté, à écraser de toutes ses forces, tant son contenu, inécoutable et indécent, est nul sur le plan musical. C'est d'autant plus triste et rageant qu'il faut l'écouter pour comprendre en partie d'où viendront ses magnifiques enfants.