LOUANE (EMERA pour le pseudonyme complet), de son vrai nom Anne Peichert, à 18 ans seulement, possède déjà un parcours qui cristallise les rêves de millions de jeunes gens, enfants et adolescents de la nouvelle génération française, avec ses repères. Si elle manque de peu la place de gagnante de l'émission The Voice en 2013, elle se fait remarquer largement pendant toute la durée de l'événement par ses interprétations splendides et fort bien dosées pour un tel contexte, ce qui constitue une double réussite.

Puis ce sont les opportunités diverses et toujours couronnées de succès médiatique, le premier rôle du film La Famille Bélier et la reprise au générique du morceau « Je Vole », classique de Michel SARDOU, les albums de reprises We Love Disney et La Bande à Renaud, volumes 2 respectifs. Début mars, c'est au tour de son premier album, dont l'éclosion entraîne un raz-de-marée suffisant pour une grimpée directe en tête des ventes.

Alors voyons, que donne ce Chambre 12 ? Autant la coalition TF1/Mercury/Universal nous sert régulièrement de quoi faire couler l'encre d'une manière virulente (exemple récent : Kendji GIRAC, également ex-The Voice qu'il avait gagné lui par contre), autant pour LOUANE, toute considération qualitative mise à part, on peut parler d'un projet honnête, compte tenu de la personnalité. Certes, son grain de voix, entre pureté du timbre et couleur voilée, ne se distingue pas grandement de ses semblables, à une époque où elles fleurissent. Le chant est juste, la voix est jolie, chose commune...

Mais LOUANE, qui compose elle-même ses chansons, a ce petit quelque chose qui renvoie à ses prestations de The Voice, au niveau spontanéité, modestie également. Chambre 12 a beau s'inscrire dans le giron d'une pop moderne à la française, plus ou moins électro et vaguement soul, il se dégage un peu de la moyenne, par ce choix de mesure justement. Produit par Dan Black, Anglais établi à Paris, le disque révèle déjà un point positif dans sa longueur, moins d'une quarantaine de minutes, seulement augmentée de bonus déjà connus (les « radio edit » et reprises de SARDOU et RENAUD susmentionnées).

Le single porteur est « Avenir », aux paroles un peu trop premier degré dans un ton adolescent, mais à la mélodie et l'arrangement pop plutôt bien ficelés, n'en déplaise à une production calibrée, par rapport au reste des titres surtout. Ce style de paroles directes que chante LOUANE se retrouve plus loin sur « Alien », avec là encore un succès relatif malgré une bonne idée de base, celle d'une déclaration intrusive façon film d'angoisse.

Patxi Garat, ancien participant de la Star Academy, signe quelques textes dont celui du premier morceau, « Jour 1 ». Cette idée de décrire l'évolution des relations amoureuses, toujours hantées par « le premier jour » se tient bien, du moins jusqu'au dernier couplet. Le morceau-titre a comme « Jour 1 » ce côté « journal intime » avec une inspiration puisée dans les histoires à la Little Nemo, de quoi s'accorder avec les intonations enfantines de la voix de la chanteuse. Tout cela semble bien gentil et sucré.

Pourtant, malgré ce caractère édulcoré et loin de l'esprit racoleur de moult réalisations similaires, l'univers de LOUANE est touchant, naïf mais pas tant que ça, parfois même carrément sombre (« Tranquille », « La Fuite »). Malgré la présence d'expressions simplistes dans le texte, « Maman » porte déjà en lui les prémices d'une facette moins évidente, et qui se retrouve largement ensuite. « Nous » et « La Fuite », dans leur ensemble, se veulent tantôt rassurants, tantôt désespérés. Leur empreinte soul mélange des rythmes décalés entre le chant et la musique, une trouvaille sympathique.

Les surprises ne manquent pas d'un point de vue musical. Dans ce disque guère trop centré sur la voix de LOUANE bizarrement, il y a parfois de longs passages orchestraux, avec piano, cordes, vagues de synthétiseurs vintage et choeurs éthérés. Le début de « Jeune », au discours candide, sonne presque comme du Jean-Michel JARRE période Zoolook (les claviers et samples voix), toutes proportions gardées... On aime ou pas, toutefois Chambre 12 ne sonne pas franchement crise d'ado ni chewing-gum à la fraise, comme on aurait pu le craindre.

Au final, un album qui se laisse écouter et apprécier, mieux que moyen, parfois décousu et maladroit du côté de certains mots, séduisant en ce qui concerne les autres, ainsi que du côté du chant et de l'arrangement musical. On peut même parler, avec prudence, d'un début prometteur, et envisager de prochaines réalisations qui seront marquées par davantage de maturité, toujours à l'écart de la pop basique.